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l'oeil & la plume... tu ne sais pas qui
texte de murièle modély ill. jlmi 2013
tu ne sais pas qui, mais quelqu'un
tu sens sa présence derrière ton dos
quelqu'un
est sur le point de te pousser
tu hésites, assise au bord de l'eau
les pieds empêtrés dans les draps de ce rêve dont tu ne vois pas le fond
quelqu'un dans ton dos, tu le sens
quelqu'un
crie
saute, mais saute donc !
tout vaut mieux que la peur
tout vaut mieux que rester là
immobile et docile
tu écris des poèmes, alors quoi
que veut dire cette peur ? saute mais saute donc !
il faut bien que quelque chose se passe
il faut bien que quelque chose se casse
à la fin
tout à la fin
quand quelqu'un finit par lancer pour faire des ricochets
des cailloux ronds
polis
sur ta bouche et tes mains***
tu ne sais pas qui
mais quelqu'un toque
toc toc
dehors dedans
tu ne sais pas
vraiment
la nuit est à l'intérieur, le lit recouvert de poix
chaque mouvement te fait glisser plus bas
toc toc
peut-être est-ce ton cœur ? peut-être est-ce cet ogre ?
la chambre grouille de dents, ta tête déborde de mots, tu es seule
et tu ne sais pas qui mais quelqu'un
frappe
toc toc
très fort
à la tête ou la porte
quelqu'un veut entrer
absolument ouvrir
ce zip sur ta poitrine
coincé depuis des mois
c'est l'enfant, tu reconnais sa voix
"crois-tu, maman, dit-elle, crois-tu
qu'un jour, toi aussi, tu deviendras folle ?"***
tu ne sais pas qui
mais quelqu'un qui t'aime
mal, trop
du moins avec acharnement
tu ne sais pas
mais ce quelqu'un
passe
toutes ses nuits à gommer
avec application
tes restes de mémoire
tu ne sais pas qui
sous la calotte
les fils de ton histoire
sous sa main travailleuse
s'emmêlent, s'emberlificotent
tous les soirs
tape
frotte
à l'envers de ton crâne
et chaque matin
sur l'oreiller
vois
entre les pellicules et les cheveux longs morts
ces amas d'arabique que tu presses, malaxes
curieuse
ton corps a tant d'humeurs
jusqu'à extraire sous la traînée collante sur tes doigts
une lettre, un mot, la trace d'un baiser
fugaces et froids
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