-
Par jlmi le 23 Septembre 2023 à 00:05
texte de d.a. levy collage jlmi 2014
les petites funérailles
« la seule différence
entre les matadors & les poètes
c'est que les uns flirtent avec la mort
et les autres avec la folie »
rik davis
ils vous ont presque tous menti
moi y compris je suppose
« le poète joue avec la folie »
c'est ridicule - nous sommes tous fous
c'est à vous de réveiller les poètes
perdus dans leurs passés mystérieux
le poète mange & dort & pisse
& pète & chie & écrit
des poèmes - c'est ça, la folie ?
c'est un maître zen sous barbituriques
c'est l'homme d'affaires, le commerçant
qui joue avec la folie - le
docteur qui joue avec la médecine - l'imprimeur
le fabricant de bombes & le type
qui fait des baguettes & des croissants de 9h à 5h
se réveille à 6h
conduit son camion
à travers la ville
vivant jour après jour
la même routine
insensée
sans même le temps
de se demander pourquoi
poètes paumés dans le luxe de pouvoir
poser des questions de pouvoir
se cogner la tête contre les murs
& dire « hé c'est mon boulot »
& ils savent déjà - qu'ils ne veulent pas de réponses
ah mais ce matador en transit rapide
embroché chaque jour par des cornes
invisibles - intérieurement
& les transactions commerciales qui ne se font pas
& le cow-boy de la CTS assis sans un mot
cherchant à décrocher du boulot - n'importe quel boulot
& qui sait qu'il crèvera tubard
ou du cancer à 65 ans- incapable de trouver un poil de
signification dans tout ce jeu
ah la douce folie que de pouvoir
balancer toutes ces journées désespérément identiques
alors que le matador reçoit une rose
d'un petit boudin cradoque
dans la foule
il lui donne les oreilles du taureau
plus tard au lit
& un poète qui bande avec une pauvre vision
nettoie pour vous le tableau
mais maintenant vous avez la télévision
& vous rêvez trop
l’éboueur le matin
connaît sa propre réalité
les éboueurs ne se font jamais descendre pendant les émeutes
peut-être sont-ils les vrais saints
avec une aura protectrice
leur réalité - la merde de
la corbeille à papier de votre chambre à coucher
il faut être un maître zen
pour être éboueur
& les poètes mentent quand ils essaient de trouver
quelque beauté dans les tas d'ordures
les ordures sont les ordures
la poésie est une ordure sentimentale -
les détritus
& la beauté ne sont que des rêves
mais maintenant vous avez la télévision
pour vous aider à rêver
hommes sans âme
toreros de magasins sans importance
fantômes décervelés qui jamais ne possèderont d'esprit
avec lequel jouer
hommes aux rêves télévisés de lycéens
qui se signent en des rites de mort
qui murmurent « doux jésus » avant d'affronter
leurs concurrents chaque jour
qui jouent à la guerre - & deviennent des policiers
jouant avec la folie
ils conduisent leurs autos
se moquent des hippies boivent le vendredi
jouent aux quilles chient sur Dieu chaque jour & meurent
& meurent & meurent tout seuls
enveloppés dans des drapeaux
fiers de leur folie
& les poètes académiques
écrivent pour vous leurs rêves proprets
& prétendent que tout est beau
assis dans un bar
le confessionnal alcoolique
& chaque jour je m'assieds ici
& j'essaie de devenir chacun d'entre vous
l'un après l'autre
essayant ces rêves de lycée
pour voir la taille
ça marche pas
vous n'êtes pas à ma pointure
poète j'essaie d'apprendre
à rester humain
malgré la technologie
& il n'y a personne pour m'enseigner
je suis encore trop jeune pour
être tranquille & contemplatif
je ne veux pas devenir une carte vermeille
tremblant de terreur devant la télé
des hommes d'affaires dans leurs ego-trips amphétaminés
me racontent leur dernier coup
je visite des églises & des temples & je pose des questions
& on me donne une brochure
ou un livre idiot
on dirait qu'il n'y a personne
d'autre que moi pour répondre à mes questions
une hideuse responsabilité
avec des conséquences encore pires
adieu télévision
je rentre dans ma tête
ma femme & moi
faisons notre promenade du soir
autour du bloc
(sommes-nous si vieux)
il y a quelque chose de beau
en elle quelque chose
une sorte de rêve dans le ciel sans nuage
je sais que mes rêves sont irréels
mais ce sont mes rêves
parfois
par les chaudes nuits d'été
nous nous haïssons
& c'est merveilleux...note :
paix & lucidité sont
deux petits oiseaux
qui cherchent à quitter la planète
parce qu'ils sont las de mourir
je n'ai pas de conseils à donnerin Poème sur la mort d’un monastère de banlieue
“Suburban Monastery Death Poem”, Zero Edition, Cleveland 1968
“Suburban Monastery Death Poem”, Second Zero Edition, Cleveland 1976
“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, in Starscrewer Spécial, Berguette, 1981
“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)1 commentaire
-
Par jlmi le 22 Septembre 2023 à 00:53
texte de D.A. Levy 1968 ill. Nam June Paik - 1994 - Reclining Buddha
Je suis un contribuable
& un scorpion
& un poète je n'ai pas besoin des drogues
je voulais seulement faire comme tout le monde
& tous ceux que je connaissais prenaient des drogues
& tous ceux que je connaissais lisaient le Village Voice
& chouchoutaient leurs troubles psychosomatiques
rien que pour avoir des pilules
n'importe quelles pilules
que faire d'autre ?
la télévision ?
se branler sur les spots publicitaires
bobonne qui te broute la braguette
pendant les publicités alimentaires
GROUILLEZ-VOUS D'ALLER PISSER AVANT QUE LE FILM RECOMMENCE
la télévision qui te broute la braguette
jusqu'au retour de bobonne
la télévision - en voilà encore une de drogue
bonne vieille vie de banlieusard
pourtant, je suis content qu'ils aient voté les lois
beaucoup trop de jeunes mômes essaient de me brancher
des gamines veulent me rendre visite
avec de l'herbe - elles m'écrivent des lettres
désirent être mes amies
des chasseurs de célébrités qui veulent visiter
l'ashram de poésie du coin -
connerie de merde !
j'ai l'impression d'être un film underground
brûlé par Savonarole
je suis toujours à la recherche
d'une reine loyale et bandante
qui sache jouir dans sa tête
et qui me laisse jouir avec elle
“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)
votre commentaire
-
Par jlmi le 21 Septembre 2023 à 00:37
texte bruno toméra photo le bélier en crise 2010
Elle arrive de loin, du fin fond du grouillant clinquant de la rue piétonne,
enveloppe flottante de tissu noir avec dessus un bonnet jaune troué
les gens affairés ou nonchalants s'écartent désorientés par cette apparition
évadée d'une craquelure d'une toile de Jérôme Bosch.
- T'as une clope et une petite pièce ?
Elle pue
elle n'a pas d'âge
antiquaire d'elle même
elle transbahute le présent défraîchi
dans deux sacs éreintés
par le poids de l'essentiel capharnaüm
de l'inutilité.
Je lui donne la clope et tire de ma
poche un bifton de cinq euros.
- Sympa mon gars
tu veux en siffler un ?
- Je veux bien.
Elle sort d'un des cabas
2 gobelets plastique cradots et un litre entamé
- Bois mon gars, beau temps aujourd'hui...
Nous buvons le picrate acide sous le soleil au milieu de l'agitation.
Je trinque avec la barmaid des enfers et c'est bon.
- J'aurais vingt piges de moins, je t'aurais fait ton affaire...
j'étais belle, ça me connaissait les beaux mecs... O des beaux gars...
Qu'elle rajoute
- J'en doute pas, madame.
Elle sourit, des souvenirs clairsemés et joyeux doivent se superposer
sur les capricieux écrans de sa mémoire.
- Faut que j'y aille, j'ai des affaires à régler.
Qu'elle dit d'un coup le regard gelé et perdu dans la nuit
d'un hiver instantané.
Elle se barre, trottinant instable sur les pavés
vers une aléatoire prolongation de l'existence.
Je la rattrape, lui colle une bise sur la joue
et lui dit
- Sûr madame, Vous êtes le meilleur coup de la terre.
votre commentaire
-
Par jlmi le 20 Septembre 2023 à 00:07
texte de cathy garcia toile de Marlene Dumas 1973 We Don't Need Names Here
Vite fait Mâle fait
les gorges de contrebande rudoient
l’orgueil violacé jailli de béantes braguettes
le temps c’est de l’argent
lance le chauffeur de camionnette
et la ruelle pleure liasses de sperme
petites coupures à l’âme
et la ruelle pleure
gorge ouverteextrait de Pandémonium II
1 commentaire
-
Par jlmi le 19 Septembre 2023 à 00:54
texte & photo Boris Vian
Si les poètes étaient moins bêtes
Et s’ils étaient moins paresseux
Ils rendraient tout le monde heureux
Pour pouvoir s’occuper en paix
De leurs souffrances littéraires
Ils construiraient des maisons jaunes
Avec des grands jardins devant
Et des arbres pleins de zoizeaux
De mirliflûtes et de lizeaux
Des mésongres et des feuvertes
Des plumuches, des picassiettes
Et des petits corbeaux tout rouges
Qui diraient la bonne aventure
Il y aurait de grands jets d’eau
Avec des lumières dedans
Il y aurait deux cents poissons
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique