• l'oeil & la plume... la ballade de la masturbatrice solitaire

     

    Anna Sexton, poète américaine n'a jamais été publiée en français...

     

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    La fin d’une liaison est toujours la mort.
    C’est mon atelier. Œil glissant,
    mon souffle te trouve sorti
    de la tribu de moi-même. J’effraye
    ceux qui restent là. Je suis rassasiée.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

    Doigt contre doigt il m’appartient désormais.
    Il n’est pas trop loin. Il est ma rencontre.
    Je le bats comme une cloche. Je m’allonge
    sous la tonnelle où tu avais l’habitude de le grimper.
    Tu m’empruntais sur la couverture à fleurs.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

    Prends cette nuit par exemple, mon amour,
    où chaque couple se mêle
    dans un même chavirement, dessous, dessus,
    le deux abondant sur l’éponge et la plume,
    à genoux et poussant, tête contre tête.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

    C’est ainsi que j’éclate de mon corps,
    un miracle énervant. Pourrais-je
    exhiber le marché du rêve ?
    Je suis étendue. Je crucifie.
    Ma petite prune tu disais.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

    Alors ma rivale aux yeux noirs est arrivée.
    La lady de l’eau, se levant sur la plage,
    un piano au bout des doigts, la honte
    sur les lèvreset la parole de flûte.
    Tandis que j’étais le balai tordu.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

    Elle t’a pris comme une femme prend
    une robe en solde sur une étagère
    et je me suis briséecomme se brise une pierre.
    Je te rends tes livres et ton matériel de pêche.
    Le journal d’aujourd’hui annonce que vous êtes mariés.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

    Les garçons et les filles ne font qu’un cette nuit.
    Ils déboutonnent les corsages. Ils ouvrent les braguettes.
    Quittent leurs chaussures. Ils éteignent la lumière.
    Les créatures luisantes sont pleines de mensonges.
    Ils se mangent mutuellement. Ils sont suralimentés.
    La nuit, seule, j’épouse le lit.

     

     

     

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    The Ballad of the Lonely Masturbator


    The end of the affair is always death.
    She’s my workshop. Slippery eye,
    out of the tribe of myself my breath
    finds you gone. I horrify
    those who stand by. I am fed.
    At night, alone, I marry the bed.

    Finger to finger, now she’s mine.
    She’s not too far. She’s my encounter.
    I beat her like a bell. I recline
    in the bower where you used to mount her.
    You borrowed me on the flowered spread.
    At night, alone, I marry the bed.

    Take for instance this night, my love,
    that every single couple puts together
    with a joint overturning, beneath, above,
    the abundant two on sponge and feather,
    kneeling and pushing, head to head.
    At night alone, I marry the bed.

    I break out of my body this way,
    an annoying miracle. Could I
    put the dream market on display?
    I am spread out. I crucify.
    My little plum is what you said.
    At night, alone, I marry the bed.

    Then my black-eyed rival came.
    The lady of water, rising on the beach,
    a piano at her fingertips, shame
    on her lips and a flute’s speech.
    And I was the knock-kneed broom instead.
    At night, alone, I marry the bed.

    She took you the way a woman takes
    a bargain dress off the rack
    and I broke the way a stone breaks.
    I give back your books and fishing tack.
    Today’s paper says that you are wed.
    At night, alone, I marry the bed.

    The boys and girls are one tonight.
    They unbutton blouses. They unzip flies.
    They take off shoes. They turn off the light.
    The glimmering creatures are full of lies.
    They are eating each other. They are overfed.
    At night, alone, I marry the bed.

     

     

     

    Texte en anglais Anne Sexton. The Ballad of the Lonely Masturbator, Love Poems, 1969, poetryfoundation.org

     

    Traduction en français Stéphane Chaumet

              D'autres poèmes de Anne Sexton

     


  • Commentaires

    1
    Cathy
    Mercredi 2 Octobre 2019 à 12:41

    ce serait bien de lui rendre hommage dans Nouveaux Délits si tu as un contact avec son traducteur

      • jl
        Mercredi 2 Octobre 2019 à 13:25

        Aucun, désolé...

      • Cathy
        Jeudi 3 Octobre 2019 à 11:20

        dommage

    2
    Cathy
    Mercredi 2 Octobre 2019 à 12:42

    tu l'as appelée Diane à la fin de ton post ;-)

      • jl
        Mercredi 2 Octobre 2019 à 13:24

        Opppps ! Corrigé, merci

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