• l'oeil & la plume... laissez-moi tranquille

    l'oeil & la plume...  laissez-moi tranquille

    texte de cécile coulon                                                      collage jlmi 2014

     

    Laissez les hommes quitter leurs femmes pour d'adorables jeunes filles
    Laissez les femmes quitter leurs hommes pour des garçons polis
    Les enfants vont grandir les douleurs les fantasmes et les hivers aussi
    Laissez les clés à vos voisins laissez les chiens faire leurs besoins et les chiennes leurs petits
    Laissez-les se noyer dans l'eau du bain laissez flotter vos chagrins à la surface du whisky
    Les poètes sont des boxeurs qui ne savent plus sur quel pied danser laissez-les transpirer
    Les romanciers sont des marathoniens qui s'épuisent avant la fin laissez-les s'abreuver
    Laissez les blondes avoir d'énormes seins laissez les brunes avoir de longues jambes
    Les gens qui se haïssent vous savez souvent s'assemblent
    Côte à côte main dans la main pourtant nous n'avons rien à faire ensemble
    Laissez les gens baiser comme des lapins laissez les gens faire l'amour comme dans les films
    Laissez les gens s'enfermer se salir s'indigner
    Ça n'ira pas plus loin qu'une lettre d'adieu sur le frigo dans la cuisine

    Laissez l'adolescence faire rugir sa colère déplacer des montagnes et tarir les rivières
    Laissez les bons élèves se rêver musiciens laissez les ouvriers se rêver magiciens
    Transformer la machine en mannequin libérer la colombe étouffée dans leurs mains
    Laissez les médecins tirer sur l'ambulance ouvrez les hôpitaux aux malades du coeur
    Fracassés par l'absence la puissance de l'ennui le manque de chaleur
    Laissez les femmes lécher d'autres femmes
    Laissez les hommes sucer d'autres hommes
    Qu'est-ce que ça peut vous faire l'appartement est vide et le désir s'affame
    Comme une fille qui n'a plus que la peau sur les os et du sel dans ses larmes
    Laissez les animaux pisser sur vos portails laissez vos descendants cracher sur vos portraits
    Personne n'est obligé d'aimer la ligne du même sang la haine a ses blasons que la famille ignore
    Laissez les amoureux oublier qu'ils ont aimé laissez les malheureux oublier qu'ils ont sombré
    La solitude est une eau douce il fait bon s'y baigner laissez vos gosses passer la nuit dehors
    Ce sera moins dangereux que le mauvais décor de vos deux corps fermés coquillages silencieux

    Laissez vos chaussures dans l'entrée
    Laissez vos écharpes sécher
    Il pleut dans mon coeur comme sur un toit d'ardoise et le vent souffle fort
    Laissez-moi profiter d'un oreiller brûlant le navire ne prend plus de passager à bord
    Laissez les écrivains devenir célèbre avant leur mort laissez les écoliers sécher leurs yeux et la classe
    Ils ont le droit d'avoir peur vous avez le droit de vous taire le passé est une enclume l'avenir une menace

    Laissez-moi penser à vous comme si nous avions toujours eu des mains liées des bouches humides
    Laissez-moi vous voir je connais votre visage les lignes de vos pommettes jusqu'à vos premières rides
    Laissez-moi prendre du recul du poids de la distance
    Laissez-moi prendre de l'élan du pognon de l'espace
    Le talent se construit le génie se libère laissez les anonymes écarter en deux murs la surface de la terre
    Inscrire à l'encre des paupières les envies de voyage de douceur de promesses mensongères
    Laissez-moi tranquille mes histoires me suffisent je n'ai besoin de rien
    Il pleut dans mon coeur comme sur un toit d'ardoise et j'entends de ma chambre aboyer les derniers chiens. 

      

     Source cg  délit de poésie   http://delitdepoesie.hautetfort.com/ 


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