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texte de fanny sheper ill. jlmi
Mon odieuse déchiratrice
Est la preuve de mon incarcération charnelle.
Vilaine incrustée sur ma cuisse,
Elle fait la gueule quand je suis à poil.
Elle m'a scarifiée
D'une longue ligne de taille
Cousue de ma hanche au genou.
Elle est la preuve de mes absences,
De mes négligences.
Elle est là,
Quand la bruine la fait grincer.
Elle grimace en été sur ma peau boursouflée.
Elle est fièrement plantée là.
C'est la médaille d'une guerre censurée,
Blessure honorifique, il paraît.
Tu es une vilaine lésion née de tissus déchirés !
C'est à cause de toi que j'ai dû rentrer.
Faire demi-tour estropiée,
Rapatriée par les pieds.
Je la déteste pour ça, plus que pour la douleur
Parce que j'ai dû abandonner l'envol.
Sanctionnée au sol, clouée dans ma cuisse
Par cette correctrice qui a insulté ma peau.
Quand on me questionne,
Je dis que c'est les barbelés
Qui m'ont déchirée comme une évadée.
Les barbelés qui se trouvent entre ici et là-bas.
Je dis que c'est un requin
Qui m'a descendu par le fond
Alors que je nageais pour me barrer.
Je dis que le creux et les 24 traits blancs
C'est sa mâchoire curatrice de poisson.
Je dis pour parler, pour me laisser rêver,
Pour faire de cette chirurgie quelque chose de jolie.
Une longue couture blanche,
Lézarde mystérieuse d'origine inconnue.
Une trace qui m’identifie vivante et sûre.
Une blessure, une aventure,
Une souffrance, une légende,
Une cicatrice …
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texte de ferruccio brugnaro 11-2019 ill. jlmi 11-2019
En ces jours la mort
commande sarcastique
sur toute la terre
Le cœur des enfants kurdes
à genoux en ces heures
brûle
dans un martyre
et une solitude
cruels.
Où nous cacherons-nous un jour
quand le peuple kurde
descendra en aval
dans nos villes
sur nos routes ?
Baragouinerons-nous encore avec arrogance
l’ordre international,
la convivialité, les règles civiles ?
Où nous réfugierons-nous, comment éviterons-nous la honte…
Un jour le peuple kurde
descendra des montagnes
avec le poids de l’extermination
dans l’âme,
avec l’angoisse de ces nuits
terribles et ces neiges
avec la terreur glaciale
des fusils pointés,
les bombes sur la tête.
Comment pouvons-nous évoquer encore
l’amour
comment pouvons-nous évoquer encore
la vie.
Il n’y aura aucun abri
nous ne trouverons aucun abri.
Le peuple kurde reviendra
en aval
un jour…
Nous ne trouverons plus, nous ne retrouverons plus
d’explications claires
nulle part.
Ferruccio Brugnaro, Venise, Italie ( trad. : Jean-Luc Lamouille ) 2019
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texte de vincent sur une photo de jlmi
Placarder l'amour rock'n roll que je nourris pour ton corps sur tous les murs de la ville
Tel un chien fou
te lécher des seins au bleu de l'âme
j'en rêve
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texte gaëlle josse ill véronique soriano
1
les yeux fermés Ipod
aux doigts
mais quelles musiques écoutent donc
les gens ?
c’est secret comme
une prière
les voix qui nous consolent
et
nous
nus à l’os
2
quand on dit c’est la vie
il y a un embarras une épine un caillou misère
un dérapage quelque
inattendu
coup de vent sur la tour Eiffel en allumettes
& les soupirs qui vont avec
et nos mains
qui n’ont pas de prise
3
assise
au milieu
des jours glissants
jachère incertaine
très
recommencer ?
4
face à face avec l’écran
miroir
yeux brûlés
une tasse vide un reste de tartine
& les mots dans leur lent sédiment
la voix se pose mais il est tard
on verra demain / enregistrer les modifications ?
5
pensées passantes
images déroulantes
projections privées
tant antérieures
demeurent
au ventre à la peau
ligature au sang
6
si peu de place pour déplier
le regard la ville
multiplie ses verticales empilages
plafonds/corps/meubles/objets et le reste
le peu de place qui demeure pour
nos pensées
bois flottants au fil
de nos cours d’eaux intérieurs
leurs affluents inapprivoisés
7
on habite une langue
une
poignée de mots
qui sans cesse reviennent
nos océans
8
c’est gris c’est bureau
c’est train c’est métro
et je ne suis sûre de rien
désir d’une voix cicatrisante
9
les pierres ont veillé des siècles
de prière
murmures reçus bouches tremblantes
mots en dépôt
que le vent emmène
qui que vous soyez pitié
pitié du cœur désaccordé
des hommes
je cherche un lieu un arbre
une pierre
où poser ce qui me transperce
10
veiller
le jour habiter
la page
embranchements allers venues retours ratures fausses
routes
entre quelques esquives
et déjà entre chien et loup
11
dissoudre la fatigue n’ai pas trouvé
la recette
dormir ?
impatience d’un lendemain
habitable
Paru dans la revue N4728, n°18, juin 2010
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