• l'oeil & la plume...   

    texte de hervé gasser                                                             ill. dima chatrov

     

    l'oeil & la plume...

     


    votre commentaire
  • l'oeil & la plume... ma cicatrice

    texte de fanny sheper                                                                        ill. jlmi


    Mon odieuse déchiratrice

    Est la preuve de mon incarcération charnelle.

    Vilaine incrustée sur ma cuisse,

    Elle fait la gueule quand je suis à poil.

     

    Elle m'a scarifiée

    D'une longue ligne de taille

    Cousue de ma hanche au genou.

    Elle est la preuve de mes absences,

    De mes négligences.

     

    Elle est là,

    Quand la bruine la fait grincer.

    Elle grimace en été sur ma peau boursouflée.

    Elle est fièrement plantée là.

    C'est la médaille d'une guerre censurée,

    Blessure honorifique, il paraît.

     

    Tu es une vilaine lésion née de tissus déchirés !

    C'est à cause de toi que j'ai dû rentrer.

    Faire demi-tour estropiée,

    Rapatriée par les pieds.

     

    Je la déteste pour ça, plus que pour la douleur

    Parce que j'ai dû abandonner l'envol.

    Sanctionnée au sol, clouée dans ma cuisse

    Par cette correctrice qui a insulté ma peau.

     

    Quand on me questionne,

    Je dis que c'est les barbelés

    Qui m'ont déchirée comme une évadée.

    Les barbelés qui se trouvent entre ici et là-bas.

    Je dis que c'est un requin

    Qui m'a descendu par le fond

    Alors que je nageais pour me barrer. 

    Je dis que le creux et les 24 traits blancs

    C'est sa mâchoire curatrice de poisson.

     

    Je dis pour parler, pour me laisser rêver,

    Pour faire de cette chirurgie quelque chose de jolie.

    Une longue couture blanche,

    Lézarde mystérieuse d'origine inconnue.

    Une trace qui m’identifie vivante et sûre.

    Une blessure, une aventure,

    Une souffrance, une légende,

    Une cicatrice …

     

     


    votre commentaire
  • l'oeil & la plume...

    texte de ferruccio brugnaro  11-2019                                        ill. jlmi  11-2019

     

     

    En ces jours la mort

    commande sarcastique

    sur toute la terre

    Le cœur des enfants kurdes

    à genoux en ces heures

    brûle

    dans un martyre

    et une solitude

    cruels.

    Où nous cacherons-nous un jour

    quand le peuple kurde

    descendra en aval

    dans nos villes

    sur nos routes ?

    Baragouinerons-nous encore avec arrogance

    l’ordre international,

    la convivialité, les règles civiles ?

    Où nous réfugierons-nous, comment éviterons-nous la honte…

    Un jour le peuple kurde

    descendra des montagnes

    avec le poids de l’extermination

    dans l’âme,

    avec l’angoisse de ces nuits

    terribles et ces neiges

    avec la terreur glaciale

    des fusils pointés,

    les bombes sur la tête.

    Comment pouvons-nous évoquer encore

    l’amour

    comment pouvons-nous évoquer encore

    la vie.

    Il n’y aura aucun abri

    nous ne trouverons aucun abri.

    Le peuple kurde reviendra

    en aval

    un jour…

    Nous ne trouverons plus, nous ne retrouverons plus

    d’explications claires

    nulle part.

     

    Ferruccio Brugnaro, Venise, Italie   ( trad. : Jean-Luc Lamouille )  2019

     


    votre commentaire
  • l'oeil & la plume... amour rock n' roll

    texte de vincent sur une photo de jlmi

     

    Placarder l'amour rock'n roll que je nourris pour ton corps sur tous les murs de la ville

    Tel un chien fou

    te lécher des seins au bleu de l'âme

    j'en rêve

     

     


    votre commentaire

  •  
    texte gaëlle josse                                               ill  véronique soriano

     

    1

    les yeux fermés Ipod

    aux doigts

    mais quelles musiques écoutent donc

    les gens ?


    c’est secret comme

    une prière


    les voix qui nous consolent

    et

    nous



    nus à l’os

     



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    2

    quand on dit c’est la vie

    il y a un embarras une épine un caillou misère


    un dérapage quelque

    inattendu

    coup de vent sur la tour Eiffel en allumettes


    & les soupirs qui vont avec

    et nos mains

    qui n’ont pas de prise

     

     




     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    3

     

    assise

    au milieu

    des jours glissants


    jachère incertaine


    très


    recommencer ?

     



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    4

    face à face avec l’écran

    miroir

    yeux brûlés

    une tasse vide un reste de tartine

    & les mots dans leur lent sédiment


    la voix se pose mais il est tard


    on verra demain / enregistrer les modifications ?

     




     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    5

    pensées passantes

    images déroulantes


    projections privées

    tant antérieures


    demeurent

    au ventre à la peau

    ligature au sang

     




     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    6

    si peu de place pour déplier

    le regard la ville

    multiplie ses verticales empilages

    plafonds/corps/meubles/objets et le reste


    le peu de place qui demeure pour

    nos pensées

    bois flottants au fil

    de nos cours d’eaux intérieurs


    leurs affluents inapprivoisés

     




     

     

     

     

     

     

     

    7

    on habite une langue

    une

    poignée de mots


    qui sans cesse reviennent

    nos océans

     




     

     

     

     

     

     

     

     

     

    8

    c’est gris c’est bureau

     

    c’est train c’est métro


    et je ne suis sûre de rien


    désir d’une voix cicatrisante

     




     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    9

    les pierres ont veillé des siècles

    de prière

    murmures reçus bouches tremblantes


    mots en dépôt

    que le vent emmène

    qui que vous soyez pitié

    pitié du cœur désaccordé

    des hommes


    je cherche un lieu un arbre

    une pierre


    où poser ce qui me transperce

     



     


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    10

    veiller

    le jour habiter

    la page


    embranchements allers venues retours ratures fausses

    routes


    entre quelques esquives


    et déjà entre chien et loup

     




     

     

     

     

     

     

     

     

     

    11

    dissoudre la fatigue n’ai pas trouvé

    la recette


    dormir ?


    impatience d’un lendemain


    habitable

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Paru dans la revue N4728, n°18, juin 2010

     

     

     


    1 commentaire