• texte La Maçonne                                                                               ill. Ciril K

     

    Les mots chiffonnés

    Fragile forteresse

    Se rayent comme un refrain,

    Crincrin de la censure, Encore.

    Je pense à toi, mon frère

    Vieux poète,

    Que j'ai vu mourant, mort

    Six pieds sous terre

    Tu les trompais, jabots de nuit et

    censeurs chamades

    Qui ébavuraient tes rêves,

    avant que je ne sois née,

    Menottant tes mots

    au peloton d'exécution

    Une balle par syllabe,

    Désinfectant les ratures

    De tes derniers poèmes. 

    Je te revois entre deux colonnes

    de livres

    M’adouber d'une épée d'encre

    et d'une armure de papier

    devant deux rivières en bataille,

    Un sourire en coin.

    La censure est là,

    Aussi ivrogne que mégère,

    d'un mauvais alcool, de mauvaises prières,

    Aussi difforme que chimère

    Qu'hier.

    Sang sur tes souvenirs

    Vieux poète,

    Mourant, mort, un alexandrin sous terre,

    Qu'aucune censure n'a fait taire.

     


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  • texte Murièle Modély                                                                 collage jlmi 2017

     

    parfois dans la chambre
    il ne se passe absolument rien
    de métaphorique
    du cru, du cul, rien que du très banal
    aucune pensée poétique
    dans le lit, entre les jambes
    parfois le président s'invite 
    avec son énième discours cynique
    entre les draps, souvent tu penses 
    à tes impôts, au racisme, à tes soucis
    à la liste des courses
    tu serres les dents très fort, tu voudrais jouir, bordel
    ne pas penser au lendemain
    à la bête immonde, au type qui dort
    en bas de ton immeuble
    tu voudrais, tu en as honte, n'être qu'une peau
    un frisson qui court comme un poème
    un petit, un haïku qu'importe
    un jeu de langues, au propre comme au figuré
    qui te ferait quitter
    qui ferait décoller
    la réalité
    passer par la fenêtre et cramer au soleil

     

     


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  • texte Carolyn Carlson                                                             collage jlmi 2017

     

     

    Se souvenir

    de soi-même comme d’une larme

    dans l’immobilité de l’air

     

    Une nuit si claire

    événement d’air et de parfum

    les fleuves charrient les morts vers la mer

    les fleurs de cerisier s’envolent

    vagues de mélancolie sous les draps de soie

    courants d’amour infini et d’infinie caresse

     

    Je voudrais parfois tout abandonner, être poète

    seulement, affranchie du lieu et de l’espace

    rien que ce pas nu...

     

     

    in  brins d’herbe Actes Sud, 2011

    Plus sur Carolyn Carlson poète http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10303811d/f1.image

     

     


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  • texte de -sm                                                                                  ill kingasart

     

    Je te disais souvent

    Que ça allait,

    Je comprends que je ne pouvais pas être

    Une priorité dans ton quotidien

     

    Notre avenir tout entier dépendait de

    Ta carrière

    Et des choix que nous avons fait

    Aujourd’hui

     

    J’ai choisi de rester à

    l'arrière plan

     

    et tu as choisi de

    m’aimer pour ça...

     

    jusqu’à ce que tu ne le fasses plus

     

     


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  •  

    J’exhibai ma carte senior
    Sous les yeux goguenards des porcs
    Qui partirent d’un rire obscène
    Vers ma silhouette de sirène

    Je suis vieille et je vous encule
    Avec mon look de libellule
    Je suis vieille et je vais crever
    Un petit détail oublié

    Passez votre chemin bâtard
    Et filez vite au wagon bar
    Je fumerai ma cigarette
    Tranquillement dans les toilettes

    Partout c’est la prohibition

    Alcool à la télévision
    Papiers clopes manque de fric
    Et vieillir dans les lieux publics

    Partout c’est la prohibition
    Parole écrit fornication
    Foutre interdit à soixante ans
    Ou scandale et ricanements

    Je suis vieille et je vous encule
    Avec mon look de libellule
    Je suis vieille et je vais crever
    Un petit détail oublié

    Les malades sont prohibés
    On les jette dans les fossés
    A moins qu’ils n’apportent du blé
    De la tune au plus fortunés


    Les vieux sont jetés aux orties
    A l’asile aux châteaux d’oubli
    Voici ce qui m’attend demain
    Si jamais je perds mon chemin

    J’ai d’autres projets vous voyez
    Je vais baiser boire et fumer
    Je vais m’inventer d’autres cieux
    Toujours plus vastes et précieux

    Je suis vieille et je vous encule
    Avec mon look de libellule
    Je suis vieille sans foi ni loi
    Si je meurs ça sera de joie

     

     


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