• texte Chloé Charpentier                                                                  ill. jlmi 2023

     

    Le temps pousse ses poubelles
    dans de grandes gouttières

    Des replis de crasse et des pelures de chair

    des petits corps d'oiseaux – pigeons, moineaux, corbeaux –

    crevés sur le bitume, tout

    tombe en cascade

    dans le cimetière

    Le temps tousse ses quintes frêles

    et fait pousser dans l'herbe

    des étoiles fanées

    des millions d'années en arrière

     


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  • texte Carmen Boullosa                                                                     ill. jlmi 2023

     

     

    Le feu,

    encore une fois le feu

    le feu joint à la lumière

    sur le plancher

    montant sur les fauteuils

    traversant les fenêtres

    et derrière lui le feu,

    seulement le feu.

     

    Encore une fois le feu.

    Ils ne le voient pas ?

    Ils ne le voient pas !

    Pour eux, je suis une femme assise.

     

    Je veux m’habiller.

    Les dessous que je portais ont troué leurs mailles,

    la chaleur les a vaincus,

    mon corsage a déchiré sa toile,

    vaincue elle aussi,

    ma jupe a cassé ses fils,

    en flammes je les laissai tomber…

     

    Je veux m’habiller.
    Le feu. Je n’ai rien d’autre que lui :

    Je suis la dénudée, celle qui n’a pas de charmes.

     

    Je veux m’habiller.

     

    Je brûle mes vêtements.

    Mes cheveux sont vaincus eux aussi,

    mes cils, mes yeux ;

    ma salive, un jour intacte,

    t’attend aussi rendue, vaincue, humiliée,

    pliée, agenouillée

    blessée comme la vapeur

    comme elle isolée

    noyée dans ton attente.

     

    Je veux m’habiller.

    Aucun animal ne me ressemble

    Je suis nue comme une oie

    comme le lys

    Aucune plante ne me ressemble

    Je suis brûlée, je me consume,

    impatiente,

    interminablement.

     

    Que les ânes me viennent en aide !

    Que les cochons, les hérons

    les rossignols, les cannes à sucre

    viennent à mon secours !

    Rien ne peut m’aider !

    Je suis vaincue par toi !

    Pour toi je me suis abandonnée !

     

     


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  • l'oeil & la plume...

    texte & photo Anjse Koltz

     

    La poésie veut quelque chose d'énorme

    de barbare et de sauvage

    Diderot

     

     

    Tous les endroits que je visite

    existent dans ma mémoire

     

    J'y retourne depuis toujours

     

    Comme mes ancêtre

    j'y cherche l'eau au puits

    une cruche sur la tête

     

    Je suis juive avec eux

     

    Leurs souffrances

    s'inscrivent dans mon sang

    et coagulent

     

    Sur le bord de ma fenêtre

    leurs cendres se posent

    aujourd'hui encore

     

    Chaque nuit j'étouffe sous les tonnes

    de leurs cheveux rasés

     

     

    Je suis palestinienne avec eux

     

    Leur douleur

    s'est plantée dans ma poitrine

     

    Dans mes artères

    s'accumulent leurs pierres

    autre mur

    de lamentation

     

    Lave tes pieds

    et quitte ta maison

    pour rencontrer l'univers

     

     

    L'immensité de la mer

    me traverse

     

    Elle déborde

    de mes souliers

     

     

    Lorsque la mer vocifère

    comme un vieux curé de campagne

     

    J'enfouis mes péchés

    dans les coquillages

    que nul ne comptera

     

    Ton poème est à double sens

    Celui qui lit — est lu lui-même

    par le poème

     

     

    Jamais

    je ne serai maître

     

    Je resterai ouvrier

     

    J'écris comme un esclave

    pour acquérir ma liberté

     

     

    Je ne trace pas de cercle

    je le franchis —

     

    Je veux des mots

    comme des éperviers

    volant

    fonçant

    ivres de soleil

    sanguinaires

    sans pardon

     

     

    Béni soit le serpent

    qui m'apprit la désobéissance

     

    Je me purifie

    je ne prie plus

     

    J'allume le feu de mon enfer

    et je chante

     

    Je joue avec ma mort

    pour la fatiguer

    pour l'endormir

    comme j'endors Dieu

    afin que je vive

    sans leur tutelle

     

     

    Le Christ dit :

    Celui qui boira mon sang

    et mangera ma chair

    sera sauvé

     

    Lucifer abhorrant la viande crue

    alluma un feu pour la cuire

     

    Chaque soir

    Dieu vient boire

    au bord de l'étang

    avec le gibier

    en attendant

    de Se faire abattre

     

    in Somnambule du jour - Poèmes choisis

     


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