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texte Brahim Boumedien ill. jlmi 2023
C’était au pays des cèdres
C’était à Baalbeck
Et j’ai raté Fairouz
Dans les ruines grecques
En un moment grandiose
C’était le festival
De cette belle ville
En période estivale
Un peu comme à Deauville
Au beau pays des cèdres
Un peu comme à Timgad
Où l’on aime être
Et faire une balade
Mon billet retenu
Mes amis m’attendaient
« Pourquoi n’est-il pas venu » ?
Ils se le demandaient
Ce soir, je ne sais pas
Ce qui m’est arrivé
J’ai raté la Diva
Et je me suis sauvé
Je marchais dans les rues
Sans savoir où j’allais
Quand des gens qui m’ont vu
Sont venus me parler
J’ai été subjugué
Par ces bons libanais
Qui m’ont tous prodigué
Une attention spontanée
Ils posaient des questions
Assoiffés de connaître
L’Algérie que ses lions
Ont fait à nouveau naître
"Votre révolution
Est rentrée dans l’histoire
Vous êtes une nation
Qui donne de l’espoir
C’est avec fierté
Que nous te disons
Ce verre d’amitié
Prenons-le et dansons”
C’est alors que les chants
De Fairouz me parvinrent
Dans cet accueil touchant
Des libanais sincères
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Texte Ovida Delect photo LGBT Equality World-Wide
Si trop battue
Je laisse un jour
Pencher sur neige
L'âme violette
Si trop battue
Je laisse un jour
Tourner le ciel
D'acier mortel
Si trop battue
Je laisse un jour
Des mains crispées
Griffer la glace
Si trop battue
Je laisse un jour
Un long corps bleu
Porté à deux
AU BLOCK 4Ovida Delect (1926-1996): déportée à Neuengamme pour faits de Résistance. Composés sans crayon ni papier, en janvier 1945, dans un camp d'extermination nazi, après une marche de 5 kilomètres, pieds nus, dans la neige. Iel avait alors dix-huit ans. Iel transitionne à 55 ans.
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ill. jlmi 2023
Sculpture poétique de jlmi sur deux pages du blog
d’Anna Jouy
c.2010
j'avais fait de cet arbre le sextant de ma route une sorte d'étoile qui aurait mis des branches par ici
Assise sur mes petites vertus, mes miroirs aux acquêts mes réserves de noisettes. Assise et repue, obèse de mes satisfactions, face à la mer les pieds dans l’eau en état de latence parfaitement alanguie.
avec le temps je deviens si nue, chaque lumière me déshabille. plus à cœur et si proche de mes cendres.
j'essore mon ombre au- dessus de la rive. le fleuve est un pays qui frôle la mer,
il y a des peaux de jours qui sèchent mal
le papillon de caféine change la face de la Terre. une tempête noire ou un zapping? je commute.
le noir est lourd de tous les arcs-en-ciel
le noir en dermes profonds.
je m'enfonce dans la campagne. mes grands phares soulèvent au fur et à mesure des animaux fantastiques, des êtres en fuite, des fantômes. je vais à la machette Citroën dedans le gras de la nuit
je rentre avec mon sac de vieilles traces, le butin d'un jour laborieux. c'est fou le prix, le prix à payer pour quelques heures au soleil.
dans le salon, les dahlias penchent, leur fin de vivre sur le verre.
je la regarde dans les yeux, elle, son envie de boire, sa soif retenue dans mes rênes. elle en a les griffes dans le bois de l'établi. vais-je enfin la remplir. vais-je enfin me dire à nouveau, comme à chaque retour "ça y est , voilà, la nuit est servie.
je chirouble grain à grain
quand le vin est " fruité"
l'ivresse ne crée que des pépins
il faut monter et pouvoir un instant, ne serait-ce qu'un instant cueillir l'edelweiss du vertige.
il fait un froid de sandales
j'achève d'essorer la journée dans le tambour du soir
je voudrais en perdre la tête,
dépieuter le crâne de cette raideur humaine
mais vous, comment faites-vous pour être heureux?
vous prendrez bien votre requiem dans un bol de fenouil rose?
je passe le cou dans la fenêtre
non il n'y a pas d'étoiles derrière l'arc-en-ciel
et même à genoux,
l'univers reste muet
Dans le fouillis feuillage de l’arbre, l’explosion lyrique de la vie irréductible jusqu’au jour du couperet, de la scie et de l’extirpation. C’est la multitude, la fragile multitude de cette chevelure verte qui donne aux girafes leur long cou, aux éléphants leur trompe, aux singes leurs queues et au corbeau la force du noir.
je vois un cheval blanc venu droit de la lune.
Et moi je suis.
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texte Maryline Bizeul ill. jlmi 2023
Je n’ai pas les moyens d’acheter un revolver. Le coût d’un crayon est plus à ma portée.
Ce conseil lapidaire ou cette fin de non-recevoir, tout est question de point de vue, m’amène à mesurer l’impact du tir groupé que représentent les mots des autres. Cela s’enfonce dans la chair et fait des trous. Le seul moyen de raccommoder consiste peut-être à utiliser d’autres mots pour colmater les brèches.
Dans l’enfance meurtrie, détournée de son sens, se sont inscrits les mots qui perforent et condamnent la vie. Pourtant, au cœur même de l’hiver, des rondes de phrases sont venues danser leur pas différent.
Chez les gens de peu, chez les gens de rien, faute de manier l’usage de la parole, on habite parfois des forteresses de silence. L’expression oscille entre le verbe qui tue et le propos fantaisiste. La tragédie d’un jour sera remplacée par la comédie d’un autre. Il faut oublier la honte et le regret de ne pas savoir dire. On atteint ainsi la luminosité propre à certaines journées d’hiver. Le soleil est venu. Il n’a pas pu rester, c’est tout.
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