• l'oeil & la plume... avec les pierres avec les pieds

    texte & photo Pénélope Corps  (traitée jlmi 2023)

     

     

     

    quand on en aura marre

    de suivre le sens de la file

    et de procéder comme indiqué sur les panneaux prévus à cet effet

    quand on vomira la ville les murs les agents de sécurité

    quand on aura pigé la dictature des images

    les petits parasites vicieux

    sous la peau dans la bouche et dans les trous

    les salles de cinéma bondées

    le besoin de se remplir les orifices pour avoir l’impression d’exister

    quand la pluie nous brûlera le visage

    et que le vin n'aura plus d'effet

    quand les bébés naîtront avec les bronches atrophiées

    et qu'on sera devenus des animaux malades

    quand les déflagrations nous amèneront au fond des forêts

    nous et nos morceaux de corps

    peut-être qu'on fermera nos gueules enfin

    qu'on finira par entendre quelque chose

    peut-être qu’on reviendra aux arbres

    et qu'on arrêtera de faire semblant de savoir

    à propos de rien

    du silence et de l'eau

    peut-être qu'on improvisera

    quelque chose avec les pierres

    avec les pieds

    et la constance des oiseaux

    et puis

    un jour ils viendront tout raser

    tout dévaster

    tout détruire

    fleurs sauvages ombres cailloux poumons

    par transgression

    par jeu

    par nécessité

    avec des pierres

    avec les pieds 

    alors il restera deux ou trois photos floues

    sûrement mal cadrées

    ce genre de photos qui fout un peu les boules   
      

    tu sais?

     

    version texte diffusée sur le blog de l'auteur le vendredi 24 avril 2017

     Et dans la revue Nouveaux Délits n°59 yes

     


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  • texte Odile Stonham                                                                                   ill. X

     

     

    Dans sa jeune et jolie tête, que s’est-il passé ?

    Depuis qu’elle est avec lui, elle est transformée.

    Alors qu’hier elle nous donnait de ses nouvelles,

    Aujourd’hui nous n’avons plus rien. A peine un mail.

    Dans sa jeune et jolie tête, que s’est-il passé ?

    Que lui a-t-il donc dit pour qu’elle soit si changée ?

    Qu’avons-nous fait pour être ainsi mis de côté ?

    Qu’est-il arrivé ? Que lui a-t-on raconté ?

    Adieu les beaux jours où nous étions grands-parents.

    Reverrons-nous demain nos deux petits-enfants ?

    Dans sa jeune et jolie tête, que s’est-il passé

    Pour qu’elle soit ainsi, qu’elle nous a tous oublié ?

     


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  • texte Joseph Delteil                                                           ill. Marcel Nino Pajot

     

     
    Une brune de 15 ans, une brune au quinzième degré. Le visage est plein de sable, de jaunisse et de confiture. Longue, longue, longue fille Deux jambes avec un nez dessus et un sexe entre. Les cheveux par dessus le marché. Frais dans ce visage d'épine-vinette, il y a des yeux d'érable. L'aiguillon, c'est la langue, et les bœufs les joues. Le front maigre et rectangulaire d'un corbeau. Au second plan, comme deux lunes rousses, les seins.      
    Corne c'est peut-être la plus sympathique, mais à coup sûr la plus grasse. Elle a de pleines mains de graisse et les joues roulées dans le suif. Elle a dix-sept ans et son ventre neuf mois de plus. Je ne veux pas dire qu'elle est grosse, mais grasse. Les mots en asse fournissent des rimes très sensuelles, des rimes qui forniquent. Ça sent la vache, l'anus et Madame Butterfly. Autour de la scène, une atmosphère chaude, toute en vapeur, une de ces atmosphères qui bouchent les oreilles et crèvent les yeux. Corne, corne de mélancolie.  

    Extrait de Choléra (1923), Œuvres complètes (Grasset), page 115

     


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  • l'oeil & la plume...  Signal

    texte & photo Olivia Elias

     

    À des milliers milliers de kilomètres des immeubles
    s’effondrent sur les Vivants comme des châteaux de cartes


    à chaque explosion maison vibre vont-ils débarquer
    chez moi brandissant documents portant sceau divin


    comme si Dieu était un Moghul de l’immobilier gérant
    du haut du ciel un réseau baptisé Colony

    /
    Aurais tant voulu parler de choses bonnes & belles
    printemps éclatant lilas & marronniers en fleurs


    me revoilà au milieu de la nuit assemblant ces images
    que je veux repousser


    me revoilà tirant sur la chemise pour me protéger des
    tanks qui écrabouillent mon cœur

    /
    Pour vivre il nous faut mourir mourir non de mort
    naturelle comme les gens ordinaires


    mourir pour acquitter le tribut du sang à répétition
    surtout avant chaque élection


    car la Mort passagère clandestine des navires jamais
    n’a lâché prise

    dès son arrivée nous choisit pour cible pilote
    sur le mur d’écrans des bunkers drones & missiles

    /
    Une heure pour évacuer la tour*
    dit la voix anonyme


    le signal : deux coups avant de frapper
    à l’autre bout du fil là-bas dans le ghetto
    la voix répète en écho
    deux coups avant de frapper

     

    *Réfère au bombardement par air, en mai 2021, de l’une des tours les plus modernes de Gaza qui abritait, à côté d’appartements privés, des bureaux, notamment ceux de The American Associated Press (AP) et d’Al Jazeera. Publié dans sa traduction anglaise sur le site de 128 LIT en avril 2023.

     

    l'oeil & la plume...  Signal

     

     

     

     

     

     


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