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Par jlmi le 20 Avril 2023 à 00:39
sculpture poétique de jlmi sur la Voyeuse interdite
de Nina Bouraoui
Nina Bouraoui vue par Franck Ferville
Et ils violent.
Le reste n’existe plus
Gouffre de l’a priori et de l’inné
Esclaves du sexe ne cherchez pas
Vous ne trouverez jamais un regard complice
Arrachons rideaux et voiles
Un carnaval de mains brisera le silence
Se faire une histoire avant de regarder le vrai
Je suis l’œil indiscret caché derrière vos trous de serrure
Je nomme mes disgrâces : maux de la Beauté
Une part dérisoire de fausse liberté
Accroupie derrière une table basse
Zohr ma sœur aînée
Attend la fonte de la menthe
Appauvris par des rubans trop serrés
Ses cheveux tombent aujourd’hui
En mèches inégales
Sur son corps aux veines apparentes
Zohr ignorait que la mort était déjà en elle
Zohr la transportait dans toute la maison
Et s’endormait dans ses bras
Poussée par l’instinct de survie
Je chasse la décadence par la décadence
Par la douleur de l’interdit
Je réveille mon corps
Le sauve in extremis de la chute
Je m’enfante moi-même
Seuls les yeux sont intacts
Dialogues maladroits entre l’absurde et l’absurde
D’un présent lointain
Ignorer le temps
Il ne passe pas, il trépasse
Taquiner les rats et nourrir les fous
La ville se rapproche du désert
Epicentre du néant
No man’s land de nulle part
Le désert s’écoute seul
Le soleil haussait les épaules
L’arbre continuait à vivre
Son odeur disparut au fil des jours
Un mélange d’ambre, de musc et de réglisse.
Petite symphonie macabre
Pour fête clandestine des sens désaxés
Requiem pour le vide
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Par jlmi le 20 Février 2023 à 00:37
texte jlmi portrait de joyce mansour
sculpture poétique de jlmi sur des textes
de Joyce Mansour
Au-delà des limites de la lumière
De la froide incandescence lunaire
Des ombres gantées de fumées
Passent sous la pendule qui baille.
Je pense à toi comme je respire.
A l’étal du couchant
Aux arômes d’inexprimable
Le pas pesant du silence
Sur le crâne chauve de l’ennui
D’un archipel d’insomnie
Dans l’impalpable de la nuit
L’œil malade d’images
Attendant l’arrivée de l’incertain
Cloître des rêves
Dans les étages du passé
Collée aux cloisons de l’attente
La porte de la nuit est fermée à clef
Horloge parlante de la vieillesse
Ma bouche se veut tombe mais ne sait pas mentir.
Je t’abandonnerai mon corps et tu le dévoreras
Comme un spasme dans l’émonctoire d’une femme
Un remous s’est produit dans la végétation
Et l’homme s’est noyé dans la liqueur
Aux fleurs brunies de mon ventre
Tyrannique folie des timides
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Par jlmi le 22 Juin 2022 à 00:48
sculpture poétique de jlmi sur la courte nouvelle "Trois jours" de Thomas Bernhard ill.jlmi
… les premières impressions, le chemin déjà […]
Se faire comprendre est impossible, ça n’existe pas.
Et cela devient naturellement toujours pire et toujours plus fort,
et il n’y a aucun salut ni aucun retour en arrière.
Dans l’obscurité tout devient clair.
Ce que je préfère c’est être seul
C’est en fait un état idéal
Ma maison est aussi en réalité, une gigantesque prison.
Au fond je ne voudrais rien d’autre que d’être laissé en paix.
[…] De savoir que tout s’écroule autour de moi
ou que tout devient ou non plus ridicule que ça n’est…
ça n’a pour moi absolument aucun sens,
et ça ne me conduit pas plus loin non plus,
ça ne me conduit surtout pas à moi-même…
[…] Dans le contact des êtres humains
il est aussi très bon d’interrompre brutalement la relation.
[…] et prendre continuellement la mélancolie en comprimé…
[…] Tentative de mettre le doigt sur des objets
qui se dissolvent au moment même où
l’on croit les avoir touchés.
… et si possible, en fermant les yeux,
accélérer la venue des ténèbres
et ne rouvrir les yeux
que lorsqu’on a la certitude d’être
absolument dans les ténèbres,
les ténèbres définitives.
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Par jlmi le 16 Avril 2022 à 00:17
texte Virginia Woolf photo Ploumanac'h en décembre jlmi 2007
À mesure qu’elles approchaient du rivage chaque barre se soulevait, s’enflait, se brisait et balayait un fin voile d’eau blanche sur le sable. La vague s’arrêtait, et puis se retirait à nouveau, soupirant comme un dormeur dont le souffle va et vient inconsciemment.
Le soleil s’éleva plus haut. Des vagues bleues, des vagues vertes balayèrent la plage de leur vif éventail, contournant la hampe du chardon des dunes et laissant des flaques de lumière ça et là sur le sable. Elles y laissaient un léger cerne noir après leur passage. Les rochers qui avaient été brumeux et doux se durcirent et se balafrèrent de crevasses rouges.
Tout devenait doucement amorphe, comme si la porcelaine de l’assiette coulait et que l’acier du couteau était liquide. Pendant ce temps la commotion que produisaient les vagues en se brisant tombait avec des bruits sourds, comme tombent des rondins, sur le rivage.
Le vent se leva. Les vagues battaient le tambour sur le rivage, comme des guerriers en turbans, comme des hommes en turbans aux sagaies empoisonnées qui, faisant tournoyer en l’air leurs armes, marchent sur les troupeaux à la pâture, les blancs moutons.
Les vagues se brisaient et répandaient vivement leurs flots sur le rivage. L’une après l’autre, elles s’enflaient et puis retombaient ; leurs embruns revenaient sur eux-mêmes dans la violence de leur chute. Les vagues étaient baignées d’un bleu profond mais un motif de lumière piquetée de diamants ondulait sur leurs dos comme ondulent les muscles sur le dos des grands chevaux quand ils se déplacent. Les vagues tombaient ; refluaient et tombaient à nouveau, comme le piaffement sourd d’une énorme bête.
Les vagues se ramassaient, courbaient leur échine et s’écrasaient. Faisaient gicler des jets de pierres et de galets. Elles se répandaient autour des rochers et les embruns, bondissant très haut, éclaboussaient les parois d’une grotte jusque-là encore sèche, et laissaient sur le rivage des trous d’eau, où fouettait la queue d’un poisson échoué là alors que refluait la vague.
Comme s’il y avait des vagues d’obscurité dans l’air, l’obscurité avançait toujours, recouvrant maisons, arbres, collines, comme les vagues de la mer baignent les flancs d’un navire englouti. L’obscurité baignait les rues, tourbillonnant autour de silhouettes isolées, les submergeant ; effaçant les couples enlacés sous l’averse obscure des ormes en feuillage de plein été. L’obscurité roulait ses vagues le long des chemins herbeux et sur la peau ridée du gazon, enveloppant le buisson d’épine solitaire et les coquilles vides d’escargots à son pied.
Et en moi aussi la vague monte. Elle s’enfle ; elle fait le gros dos. Je sens renaître en moi une fois encore un désir neuf, quelque chose qui monte au-dessous de moi comme le fier cheval que le cavalier éperonne et retient tour à tour.
Les vagues se brisaient sur le rivage.
Extraits de Les Vagues de Virginia Woolf : collage
(Traduction de la Bibliothèque de la Pléiade)
Choix de Dominique Zinenberg / Francopolis
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Par jlmi le 11 Décembre 2021 à 00:25
sculpture poétique de jlmi sur Thérèse & Isabelle de Violette Leduc ill. jlmi 2012
Faites que la nuit n’engendre pas la nuit.
J’ai une pieuvre dans le ventre.
L’amour est une invention épuisante.
Elle flatte la nuit dans mes cheveux.
La caresse est au frisson ce que le crépuscule est à l’éclair.
Je vois sous mes paupières.
J’écoute la lumière dans la caresse.
J’entends un déluge de pierres.
Mon corps prends la lumière du doigt comme le sable prend l’eau
Puis, des mots soutirés au silence et rendus aux ténèbres de sa patrie de dormeuse.
L’araignée me happe le sexe.
Je me veux pierre, une pierre dont les yeux sont des trous
Je vous regarde , je vous regarde lui crient mes yeux.
Je suis fondue de chaleur comme un fruit, j’ai le même écoulement de liqueur.
Mes chairs en lambeaux tombent sur des dentelles et finalement j’entends la rumeur des tragédies antiques.
Je l’attends avec une pleureuse dans le ventre.
A l’étroit entre les murs de ma joie, où pourrais-je user le temps ?
Il tombe du crépuscule dans la traversée de l’essaim de sonorités, le temps guindé à l’horloge me caresse.
J’entre dans un nuage, c’est une orgie de dangers.
Elle piaffe dans le lit pendant que par timidité je pose nue dans les ténèbres.
Je me lance dans un éboulis de tendresse, j’apprends l’infini dans mes formes, la pieuvre dans mes entrailles frémit.
J’ai de la drogue dans les talons, ma chair visionnaire rêve.
Je me sens toute neuve. Mon sexe, ma clairière.
Je me veux une machine qui ne soit pas machinale.
Je vois avec les yeux de l’esprit la lumière dans sa chair.
Deux rosaces s’épousent…
Nous créons la fête de l’oubli du temps, nous roulons enlacées sur une pente.
Nous cessons de respirer pour l’arrêt de vie et l’arrêt de mort.
Vivantes, allongées, flottantes, séparées, recueillies… qu’il est frais le ruisseau de solitude.
Nous sommes ruisselantes de lumière.
L’aube sera notre crépuscule d’une minute à l’autre.
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