• texte de murièle modély                                                            photo Brassaï*

     


     

    souvent
    quand nous faisons l'amour
    je pense
    au repas du dimanche
    le poids sur l'estomac
    cette ambiance empesée
    tous les deux le dimanche
    si cruellement gais
    chacun bien à sa place
    et de l'autre côté
    le verre
    l'assiette devant la chaise vide

    quand nous faisons l'amour
    je pense souvent
    au bréchet sous la dent
    le jus qui coule
    cette triste violence
    de la chair mâchée

    pendant que nous faisons
    j'entends
                   j'attends
    la reddition de l'os
    mes jambes écartées
    la douleur qui se tend
    dans tes muscles bandées

    nos corps qui trompent
    tu fais l'amour je baise
    sous la table je jette
    la torsion le plaisir
    les bouts de verre brisé

    dans le trou où tout tombe

    souvent

     

     * photo intitulée "le phénomène de l'extase"    c.1933

     

     


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  • l'oeil & la plume... le cheval couché (extrait bref)

    texte de xavier grall                                                             ill.Jacques Basse

     

     

    ... Nous portons dans nos têtes des siècles sacrifiés. Nous ramons à contre-courant dans un lac obscur, nous sommes les rameurs malades d'un océan vaincu à reconquérir, nous sommes les Celtes morts qui s'en reviennent, les chiens bleus et brisés de la route latine, nous sommes les fugitifs de la grande ombre asilaire, nous sommes partis sur nos barques sensibles, nous sommes les boucaniers insolents et les pilleurs de nos propres épaves, nous savons les algues et les marées... Maudits sans doute, mais il nous faut aller jusqu'au bout de la malédiction, afin de toucher enfin, libres, aux rives radieuses d'innocence.  

    ... Alors ceci: la bretonnité qui se tâte, s'éprouve, s'exaspère en se cherchant en dehors des règles et des parapets, serait-elle semblable à la négritude tragique de Harlem ou de Port-au-Prince?   

    ... A la fin, qui sommes-nous donc? Des voyants ou des aveugles? Des êtres libres ou de pitoyables aliénés?"

     


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  • l'oeil & la plume...

     

    texte de Marie Cholette                                                          photo  Yasin Akgul

     


    Nous avons perdu notre accastillage
    d’humanité
    notre âme cassée en morceaux
    par nos propres poings
    nous n’avons plus de mains tendues
    vers les populations civiles 
    ciblées par des barils de clous
    par des déversements de chlore

    nous les abandonnons 

    Syriens vos enfants dans des couveuses
    n’ont pas le temps de commencer à vivre
    que déjà la mort guerrière les décime
    impossible de sortir de l’hôpital
    visé par des bombes incendiaires
    et les médecins à l’humanité sans frontières
    gisent sur le sol avec leurs bistouris leurs forceps
    leurs peu d’outils de travail à la main

    pourtant ces hôpitaux
    font office d’arches de Noé
    supposées ne pas prendre l’eau
    alors que le déluge guerrier a lieu

    il n’existe plus pour vous
    d’endroit neutre 
    où de la nourriture des médicaments
    vous seraient distribués
    il n’existe autour de vous
    que des déserts dénués d’humanité

    piégés par des moussons de bombes
    destructrices
    enflammés par des torrents de feu
    jusqu’à votre âme que l’on veut brûler
    même les caves montant d’étage
    se trouvent au grand jour
    vous exposant tels des rats
    aux pièges tendus 
    par le machiavélique Bachar al-Assad

    j’ai entendu ce médecin 
    dans la Ghouta orientale assiégée
    un ami et confrère à qui je parlais 
    à l’autre bout du fil 
    tout à coup l’explosion furieuse des bombes
    et la conversation passée subitement
    de vie à trépas

    j’ai perdu le fil 
    la gorge nouée 
    le vide et un silence assourdissant
    soumis au gaz sarin de l’inhumanité
    je me suis effondrée

    rebelles au régime de Damas
    soutenus par l'Occident
    considérés comme terroristes
    par le tyran 
    et le camp de Palestiniens
    pris en étau
    et les Kurdes visés 
    par le pays voisin
    la trêve aura-t-elle lieu
    les rachitiques seront-ils nourris
    la paix un jour sera-t-elle 
    l’unique pays 
    l’éternité sur cette terre

     


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  • l'oeil & la plume... faites Terre

    texte de cathy garcia                                                                            ill. X

     

    faites taire le silence
    le vacarme des non-dits
    ces assourdissants sous-entendus
    les « faisons comme si
    n’en parlons plus »…

    faites taire les aboiements les alibis
    la cacophonique hypocrisie

    faites cesser
    ce tapage au grand jour
    mensonges
    omissions
    compromissions
    polyphoniques

    faites place
    faites Terre

     

     

     extrait de Pandémonium II

     


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  •  

    le choix d'un photo-montage des textes de Ferrucio Brugnaro a été fait afin de conserver l'aspect ''dactylographié'' du tapuscrit original.   

    traductions de Béatrice Gaudy          photos fb

     

    org2.jpg

    txtorgo1.jpg

    org3.jpg

    txtorgo2.jpg

    org1.jpg

     

     


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