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Par jlmi le 1 Mars 2020 à 00:43
texte de cathy garcia ill. from Accross the Universe de JulieTaymor
Parfois, j’ai des orgasmes de nature, qui m’ouvrent le cœur en deux comme une graine mûre. Je suis l’arbre, la mésange, la grenouille, le nuage, la pluie, l’orage, je pourrais dévaster un bureau de pôle emploi, en faire une jungle pleine de feuilles, de cris et de fouillis odorant. Où est la case poète ? S’il n’y a plus de place pour les arbres, les plantes, les oiseaux, les animaux, il n’y en a pas non plus pour les enfants, les mystiques et les poètes, tout ça c’est la même chose, tout ça est connecté directement à la source, la source vitale, la source de toute chose. Pur ressenti, pure perception, en résonance avec le monde des formes mais totale inadéquation avec celui des normes et des apparences. Il n’y a pas de mystère, tout est mystère et la normalité est une affreuse invention, réduction, supercherie.
cg in Le livre des sensations
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Par jlmi le 28 Février 2020 à 00:08
texte de Paul Eluard ill. X
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nomSur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nomSur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nomSur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nomSur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nomSur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nomSur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nomSur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nomSur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nomSur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nomSur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nomSur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nomSur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nomSur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nomSur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nomSur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nomSur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nomSur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nomSur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nomSur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nomEt par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommerLiberté.
Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
poème donné sous son titre original « une seule pensée »
cf Max-Pol Fouchet « un jour, je m’en souviens… » p89-90
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Par jlmi le 26 Février 2020 à 00:27
texte annelyse simao ill. jlmi 2020
Une fille postée là sur son lit attend
la vacuité d’une songerie sans désirSon suspens reste sans forme ni langage
Enveloppée dans les bruits répétés de quelques
sons elle les appelle musiqueElle s’occupe à naviguer sur son écran lumineux
à la recherche d’une étincelle d’un projet
qui la branche échafauder son lendemainVers quel avenir
Où sont-ils passés les étais concrets palpables
fantasmes châteaux en Espagne conflits rêveriesDes objets hétéroclites s’entassent autour d’elle
dans un début d’apocalypse
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Par jlmi le 25 Février 2020 à 00:18
texte de Pascal van der Vreken ill. jlmi sur une photo de Yiannis Krilis
Souvenance fripée
Il ne veut pas mourir cet adolescent timide
corrompu par la démarche des femmes
qui jamais ne le regarde,
se contentant d’asperger l’amour
de poitrines chaudes.
Il ne veut pas croire à notre monde
ce jeune homme fiévreux qui insiste de son cri
pour bouleverser les honnêtes gens.
Inutile personnage qui refuse de la supporter
Cette vie, si belle parfois
avec ses couchers de soleil sur les nappes de mazout
et ses jeunes filles bien épluchées
par le dernier épilatoire et fond de teint.
Où s’enfuir pour ne plus être soi…
Tu ne sais plus, petite poupée léchant
Le sable de son corps, tu ne sais plus
si son écume chavire à tes lèvres,
si ta fine membrane se craquelle
en giclant le plaisir ou la douleur ;
les deux, peut-être ?
(extrait de Je n’aime pas sourire… mais si, ed saint Germain des Prés, 1980)
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Par jlmi le 24 Février 2020 à 00:15
texte Henri Rode ill. Laurie Lipton
Quand le premier métro ramasse les ossements épouvantail sur les strates tout ce que ma conscience tient en respect ce mou d’humus de chair mélangée de masse humaine qui baille sa vase de sanglots les millions de trompettes à jet floche grands géniteurs mausolée de foutre le vomissement qui se bave et se reforme la langue jaillissant de la mort la sucette du malheur gourmande du trou rouge où j’ouvre un œil fils de membrane et de piston je sens le clou dans mon œil le ventre entré dans la pierre le rasoir pris dans le rein de haut en bas mousse de pus placé se pertètre la suite pâteuse ruisselle au flanc du monde grand-mère le jus de perdition sur la chaîne des têtes pétrifiées
Le non vivre qui s’observe à l’affût du silence
ébranlé par l’invisible massue
vagin cloué sur les bords Distension écarquillée
au centre tête de mort
pour la seconde naissance Tout s’efface.
(Extrait de mortsexe, ed Saint Germain des Prés, 1980)
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