• l'oeil & la plume...

    texte de cathy garcia                    ill. from Accross the Universe de JulieTaymor

     

    Parfois, j’ai des orgasmes de nature, qui m’ouvrent le cœur en deux comme une graine mûre. Je suis l’arbre, la mésange, la grenouille, le nuage, la pluie, l’orage, je pourrais dévaster un bureau de pôle emploi, en faire une jungle pleine de feuilles, de cris et de fouillis odorant. Où est la case poète ? S’il n’y a plus de place pour les arbres, les plantes, les oiseaux, les animaux, il n’y en a pas non plus pour les enfants, les mystiques et les poètes, tout ça c’est la même chose, tout ça est connecté directement à la source, la source vitale, la source de toute chose. Pur ressenti, pure perception, en résonance avec le monde des formes mais totale inadéquation avec celui des normes et des apparences. Il n’y a pas de mystère, tout est mystère et la normalité est une affreuse invention, réduction, supercherie.

     

     

    cg in Le livre des sensations

     


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  • l'oeil & la plume...

    texte de Paul Eluard                                                                           ill. X

     

    Sur mes cahiers d’écolier
    Sur mon pupitre et les arbres
    Sur le sable sur la neige
    J’écris ton nom

    Sur toutes les pages lues
    Sur toutes les pages blanches
    Pierre sang papier ou cendre
    J’écris ton nom

    Sur les images dorées
    Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J’écris ton nom

    Sur la jungle et le désert
    Sur les nids sur les genêts
    Sur l’écho de mon enfance
    J’écris ton nom

    Sur les merveilles des nuits
    Sur le pain blanc des journées
    Sur les saisons fiancées
    J’écris ton nom

    Sur tous mes chiffons d’azur
    Sur l’étang soleil moisi
    Sur le lac lune vivante
    J’écris ton nom

    Sur les champs sur l’horizon
    Sur les ailes des oiseaux
    Et sur le moulin des ombres
    J’écris ton nom

    Sur chaque bouffée d’aurore
    Sur la mer sur les bateaux
    Sur la montagne démente
    J’écris ton nom

    Sur la mousse des nuages
    Sur les sueurs de l’orage
    Sur la pluie épaisse et fade
    J’écris ton nom

    Sur les formes scintillantes
    Sur les cloches des couleurs
    Sur la vérité physique
    J’écris ton nom

    Sur les sentiers éveillés
    Sur les routes déployées
    Sur les places qui débordent
    J’écris ton nom

    Sur la lampe qui s’allume
    Sur la lampe qui s’éteint
    Sur mes maisons réunies
    J’écris ton nom

    Sur le fruit coupé en deux
    Du miroir et de ma chambre
    Sur mon lit coquille vide
    J’écris ton nom

    Sur mon chien gourmand et tendre
    Sur ses oreilles dressées
    Sur sa patte maladroite
    J’écris ton nom

    Sur le tremplin de ma porte
    Sur les objets familiers
    Sur le flot du feu béni
    J’écris ton nom

    Sur toute chair accordée
    Sur le front de mes amis
    Sur chaque main qui se tend
    J’écris ton nom

    Sur la vitre des surprises
    Sur les lèvres attentives
    Bien au-dessus du silence
    J’écris ton nom

    Sur mes refuges détruits
    Sur mes phares écroulés
    Sur les murs de mon ennui
    J’écris ton nom

    Sur l’absence sans désir
    Sur la solitude nue
    Sur les marches de la mort
    J’écris ton nom

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l’espoir sans souvenir
    J’écris ton nom

    Et par le pouvoir d’un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

    Liberté.

     

     

    Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

     

    poème donné sous son titre original « une seule pensée »

    cf  Max-Pol Fouchet « un jour, je m’en souviens… » p89-90

     

     

     


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  • l'oeil & la plume... dans un début d'apocalypse

    texte annelyse simao                                                                ill. jlmi  2020

     

     

    Une fille postée là sur son lit attend
    la vacuité d’une songerie sans désir

    Son suspens reste sans forme ni langage
    Enveloppée dans les bruits répétés de quelques
    sons elle les appelle musique

    Elle s’occupe à naviguer sur son écran lumineux
    à la recherche d’une étincelle d’un projet
    qui la branche échafauder son lendemain

    Vers quel avenir

    Où sont-ils passés les étais concrets palpables
    fantasmes châteaux en Espagne conflits rêveries

    Des objets hétéroclites s’entassent autour d’elle
    dans un début d’apocalypse

     


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  • texte de Pascal van der Vreken            ill.  jlmi sur une photo de Yiannis Krilis

     

    Souvenance fripée

    Il ne veut pas mourir cet adolescent timide

    corrompu par la démarche des femmes

    qui jamais ne le regarde,

    se contentant d’asperger l’amour

    de poitrines chaudes.

    Il ne veut pas croire à notre monde

    ce jeune homme fiévreux qui insiste de son cri

    pour bouleverser les honnêtes gens.

    Inutile personnage qui refuse de la supporter

    Cette vie, si belle parfois

    avec ses couchers de soleil sur les nappes de mazout

    et ses jeunes filles bien épluchées

    par le dernier épilatoire et fond de teint.

    Où s’enfuir pour ne plus être soi…

    Tu ne sais plus, petite poupée léchant

    Le sable de son corps, tu ne sais plus

    si son écume chavire à tes lèvres,

    si ta fine membrane se craquelle

    en giclant le plaisir ou la douleur ;

    les deux, peut-être ?

     

    (extrait de Je n’aime pas sourire… mais si,   ed saint Germain des Prés, 1980)

     

     


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  • l'oeil & la plume...

    texte Henri Rode                                                                ill. Laurie Lipton

     

    Quand le premier métro ramasse les ossements épouvantail sur les strates tout ce que ma conscience tient en respect ce mou d’humus de chair mélangée de masse humaine qui baille sa vase de sanglots les millions de trompettes à jet floche grands géniteurs mausolée de foutre le vomissement qui se bave et se reforme la langue jaillissant de la mort la sucette du malheur gourmande du trou rouge où j’ouvre un œil fils de membrane et de piston je sens le clou dans mon œil le ventre entré dans la pierre  le rasoir pris dans le rein de haut en bas mousse de pus placé se pertètre la suite pâteuse ruisselle au flanc du monde grand-mère le jus de perdition sur la chaîne des têtes pétrifiées

                    Le non vivre qui s’observe à l’affût du silence

                    ébranlé par l’invisible massue

    vagin cloué sur les bords Distension écarquillée

    au centre tête de mort

    pour la seconde naissance Tout s’efface.

     

     

    (Extrait de mortsexe, ed Saint Germain des Prés, 1980)

     

     


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