• eboueurzen 02.jpg

    texte de d.a. levy                                                               collage   jlmi  2014  

     

     

    les petites funérailles

     

    « la seule différence
    entre les matadors & les poètes
    c'est que les uns flirtent avec la mort
    et les autres avec la folie »
    rik davis

     


    ils vous ont presque tous menti
    moi y compris je suppose
    « le poète joue avec la folie »
    c'est ridicule - nous sommes tous fous
    c'est à vous de réveiller les poètes
    perdus dans leurs passés mystérieux
    le poète mange & dort & pisse
    & pète & chie & écrit
    des poèmes - c'est ça, la folie ?
    c'est un maître zen sous barbituriques

    c'est l'homme d'affaires, le commerçant
    qui joue avec la folie - le
    docteur qui joue avec la médecine - l'imprimeur
    le fabricant de bombes & le type
    qui fait des baguettes & des croissants de 9h à 5h
    se réveille à 6h
    conduit son camion
    à travers la ville
    vivant jour après jour
    la même routine
    insensée
    sans même le temps
    de se demander pourquoi
    poètes paumés dans le luxe de pouvoir
    poser des questions de pouvoir
    se cogner la tête contre les murs
    & dire « hé c'est mon boulot »
    & ils savent déjà - qu'ils ne veulent pas de réponses

    ah mais ce matador en transit rapide
    embroché chaque jour par des cornes
    invisibles - intérieurement
    & les transactions commerciales qui ne se font pas
    & le cow-boy de la CTS assis sans un mot
    cherchant à décrocher du boulot - n'importe quel boulot
    & qui sait qu'il crèvera tubard
    ou du cancer à 65 ans- incapable de trouver un poil de
    signification dans tout ce jeu
    ah la douce folie que de pouvoir
    balancer toutes ces journées désespérément identiques
    alors que le matador reçoit une rose
    d'un petit boudin cradoque
    dans la foule
    il lui donne les oreilles du taureau
    plus tard au lit

    & un poète qui bande avec une pauvre vision
    nettoie pour vous le tableau
    mais maintenant vous avez la télévision
    & vous rêvez trop

    l’éboueur le matin
    connaît sa propre réalité
    les éboueurs ne se font jamais descendre pendant les émeutes
    peut-être sont-ils les vrais saints
    avec une aura protectrice
    leur réalité - la merde de
    la corbeille à papier de votre chambre à coucher
    il faut être un maître zen
    pour être éboueur
    & les poètes mentent quand ils essaient de trouver
    quelque beauté dans les tas d'ordures
    les ordures sont les ordures
    la poésie est une ordure sentimentale -
    les détritus
    & la beauté ne sont que des rêves
    mais maintenant vous avez la télévision
    pour vous aider à rêver

    hommes sans âme
    toreros de magasins sans importance
    fantômes décervelés qui jamais ne possèderont d'esprit
    avec lequel jouer
    hommes aux rêves télévisés de lycéens
    qui se signent en des rites de mort
    qui murmurent « doux jésus » avant d'affronter
    leurs concurrents chaque jour
    qui jouent à la guerre - & deviennent des policiers
    jouant avec la folie
    ils conduisent leurs autos
    se moquent des hippies boivent le vendredi
    jouent aux quilles chient sur Dieu chaque jour & meurent
    & meurent & meurent tout seuls
    enveloppés dans des drapeaux
    fiers de leur folie
    & les poètes académiques
    écrivent pour vous leurs rêves proprets
    & prétendent que tout est beau
    assis dans un bar
    le confessionnal alcoolique

    & chaque jour je m'assieds ici
    & j'essaie de devenir chacun d'entre vous
    l'un après l'autre
    essayant ces rêves de lycée
    pour voir la taille
    ça marche pas
    vous n'êtes pas à ma pointure

    poète j'essaie d'apprendre
    à rester humain
    malgré la technologie
    & il n'y a personne pour m'enseigner
    je suis encore trop jeune pour
    être tranquille & contemplatif

    je ne veux pas devenir une carte vermeille
    tremblant de terreur devant la télé

    des hommes d'affaires dans leurs ego-trips amphétaminés
    me racontent leur dernier coup

    je visite des églises & des temples & je pose des questions
    & on me donne une brochure
    ou un livre idiot
    on dirait qu'il n'y a personne
    d'autre que moi pour répondre à mes questions

    une hideuse responsabilité
    avec des conséquences encore pires

    adieu télévision
    je rentre dans ma tête

    ma femme & moi
    faisons notre promenade du soir
    autour du bloc
    (sommes-nous si vieux)
    il y a quelque chose de beau
    en elle quelque chose
    une sorte de rêve dans le ciel sans nuage

    je sais que mes rêves sont irréels
    mais ce sont mes rêves

    parfois
    par les chaudes nuits d'été
    nous nous haïssons
    & c'est merveilleux...

     

    note :
    paix & lucidité sont
    deux petits oiseaux
    qui cherchent à quitter la planète
    parce qu'ils sont las de mourir

    je n'ai pas de conseils à donner

     

    in Poème sur la mort d’un monastère de banlieue

     


    “Suburban Monastery Death Poem”, Zero Edition, Cleveland 1968
    “Suburban Monastery Death Poem”, Second Zero Edition, Cleveland 1976
    “Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, in Starscrewer Spécial, Berguette, 1981
    “Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)

     


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  • Nam June Paik - 1994 - Reclining Buddha.jpg
    texte de D.A. Levy  1968                                                                        ill. Nam June Paik - 1994 - Reclining Buddha
     

     

     

     

    Je suis un contribuable
    & un scorpion
    & un poète je n'ai pas besoin des drogues
    je voulais seulement faire comme tout le monde
    & tous ceux que je connaissais prenaient des drogues
    & tous ceux que je connaissais lisaient le Village Voice
    & chouchoutaient leurs troubles psychosomatiques
    rien que pour avoir des pilules
    n'importe quelles pilules
    que faire d'autre ?
    la télévision ?
    se branler sur les spots publicitaires
    bobonne qui te broute la braguette
    pendant les publicités alimentaires
    GROUILLEZ-VOUS D'ALLER PISSER AVANT QUE LE FILM RECOMMENCE
    la télévision qui te broute la braguette
    jusqu'au retour de bobonne

    la télévision - en voilà encore une de drogue
    bonne vieille vie de banlieusard
    pourtant, je suis content qu'ils aient voté les lois
    beaucoup trop de jeunes mômes essaient de me brancher
    des gamines veulent me rendre visite
    avec de l'herbe - elles m'écrivent des lettres
    désirent être mes amies
    des chasseurs de célébrités qui veulent visiter
    l'ashram de poésie du coin -
    connerie de merde !
    j'ai l'impression d'être un film underground
    brûlé par Savonarole

    je suis toujours à la recherche
    d'une reine loyale et bandante
    qui sache jouir dans sa tête
    et qui me laisse jouir avec elle


     

     

    “Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)

     

     


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  • 1256078.jpg
    texte bruno toméra                                             photo le bélier en crise  2010
     

     

    Elle arrive de loin, du fin fond du grouillant clinquant de la rue piétonne,

    enveloppe flottante de tissu noir avec dessus un bonnet jaune troué

    les gens affairés ou nonchalants s'écartent désorientés par cette apparition

    évadée d'une craquelure d'une toile de Jérôme Bosch.

        - T'as une clope et une petite pièce ?

    Elle pue

    elle n'a pas d'âge

    antiquaire d'elle même

    elle transbahute le présent défraîchi

    dans deux sacs éreintés

    par le poids de l'essentiel capharnaüm

    de l'inutilité.

    Je lui donne la clope et tire de ma

    poche un bifton de cinq euros.

       - Sympa mon gars

         tu veux en siffler un ?

       - Je veux bien.

    Elle sort d'un des cabas

    2 gobelets plastique cradots et un litre entamé

       - Bois mon gars, beau temps aujourd'hui...

    Nous buvons le picrate acide sous le soleil au milieu de l'agitation.

    Je trinque avec la barmaid des enfers et c'est bon.

       - J'aurais vingt piges de moins, je t'aurais fait ton affaire...

         j'étais belle, ça me connaissait les beaux mecs... O des beaux gars...

    Qu'elle rajoute

        - J'en doute pas, madame.

    Elle sourit, des souvenirs clairsemés et joyeux doivent se superposer

    sur les capricieux écrans de sa mémoire.

       - Faut que j'y aille, j'ai des affaires à régler.

    Qu'elle dit d'un coup le regard gelé et perdu dans la nuit

    d'un hiver instantané.

    Elle se barre, trottinant instable sur les pavés

    vers une aléatoire prolongation de l'existence.

    Je la rattrape, lui colle une bise sur la joue

    et lui dit

        - Sûr madame, Vous êtes le meilleur coup de la terre.

     

     

     


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  • l'oeil & la plume... vite fait, mâle fait

    texte de cathy garcia    toile de Marlene Dumas 1973 We Don't Need Names Here

     

     

    Vite fait  Mâle fait


    les gorges de contrebande rudoient
    l’orgueil violacé jailli de béantes braguettes
    le temps c’est de l’argent
    lance le chauffeur de camionnette
    et la ruelle pleure liasses de sperme
    petites coupures à l’âme
    et la ruelle pleure
    gorge ouverte

    extrait de Pandémonium II

     


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  • l'oeil & la plume...  si les poètes étaient moins bêtes

     

    texte & photo Boris Vian

     

     

    Si les poètes étaient moins bêtes

    Et s’ils étaient moins paresseux

    Ils rendraient tout le monde heureux

    Pour pouvoir s’occuper en paix

    De leurs souffrances littéraires

    Ils construiraient des maisons jaunes

    Avec des grands jardins devant

    Et des arbres pleins de zoizeaux

    De mirliflûtes et de lizeaux

    Des mésongres et des feuvertes

    Des plumuches, des picassiettes

    Et des petits corbeaux tout rouges

    Qui diraient la bonne aventure

    Il y aurait de grands jets d’eau

    Avec des lumières dedans

    Il y aurait deux cents poissons

     

     


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