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Par jlmi le 8 Septembre 2023 à 00:58
texte & phot André Laude
Arrache-moi doucement à l'enveloppe de chair
qui m'opprime me tourmente et m'étrangle
Arrache-moi doucement à la griffe de la douleur
Q'un moment je sois tout entier un homme
Conduis-moi au pays qui n'existe
que lorsque tes doigts brûlent
Et que tes cheveux répandent dans la chambre
Une odeur de terre d'aube et de terre mouillée
Ne parle pas l'Amour est un long silence
Habité par un verbe tout-puissant
qui sourd des feuilles et des eaux
Et des deux corps qui se fondent ensemble
Arrache-moi doucement aux masques de la mort
Aux gargouilles de l'ennui qui ricanent dans le sommeil
Achève en moi enfin la créature qu'un dieu pâle a modelée
D'un peu de salive d'argile et d'imagination
Par le jeu savant des caresses et des baisers
Jette-moi en pâture aux lions du vertige
que plus rien ne demeure de l'ancienne fable
où j'errais comme un fantôme de fumée et de brume
oublie la terrible royauté des objets quotidiens
les chaînes de la morale nous serons libres
Voguant comme deux navires de haut bord
qui s'abîment avec lenteur sur les rivages du Soleil.
in Entre le vide et l'illumination
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Par jlmi le 6 Septembre 2023 à 00:05
texte & photo Alexandra Petrova
La croix verte d'une pharmacie.
Une femme fume près d'un lampadaire.
Elle arrange sa coiffure.
Elle s'examine dans une vitrine :c'est d'un cancer de la gorge
c'est d'une MST,
ou bien, c'est de soi-même.
Ne pas penser, surtout aux efforts secondaires :
l'amour, la distance, la mort.
Au fleuve, qui s'échappe, pour menacer les digues.Les lumières d'un tramway
traversent ses pensées.
Là-bas, sur l'une des places, danse un fakir au teint sombre.Les lumières disparaissent, et on constate à nouveau
Qu'à Rome il fait mauvais.
Personne dans la rue.
L'ange, clochard sans chaussettes,
Gèle éternellement au sommet du Château.
Triomphateur de la peste,
gardien de but aux pieds nus,
il y a malheurs pires.
Tu as une épée de fer
et une aile,
moi, je réduis les voyelles étrangères,
elles pointent dans la prière comme des os, comme des pieux,
attends-moi au coin,
nous allons nous partager cette nuit.
pourtant, voici une fenêtre où brille un semblant de lumière.
La femme appuie sur « Enregistrer »,
mais la lumière s'échappe et disparaît.Seule la braise incandescente de la cigarette
lui rappelle, perdant son éclat,
l'événement qui s'est produit voici une seconde,
puis tout retombe dans l'obscurité.
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Par jlmi le 5 Septembre 2023 à 00:45
texte Werner Lambersy ill. jlmi
Il n’y a pas de vie Intérieure
Tout est dedans et dehors
Les synapses
Et l’esprit font bon ménage
A trois avec
L’univers qui nous entoure !
Celui-ci dort en se balançant
Comme un juif devant le mur
Celle-là quand elle est nue se
Tient les seins et lui son sexe
Celui que j’ai vu sur son lit de
Mort n’avait pas de chaussure
Et moi pour n’appeler pas les
Parques je croise les chevilles
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Par jlmi le 4 Septembre 2023 à 00:31
texte & photo Lawrence Ferlinghetti
J'entrai dans la loge du Teatro Melisso, superbe salle Renaissance où avaient lieu les lectures de poésie et les concerts de musique de chambre chaque jour du festival de Spolète et tout à coup je vis Ezra Pound pour la première fois, aussi immobile qu'une statue de mandarin dans son écrin, à un balcon du fond du théâtre, une rangée au-dessus du parterre. Ce fut un choc que de voir ce mince et surprenant vieillard de 80 ans affectant une pose curieuse, avec ses cheveux longs, son profil d'aigle, sa tête étrangement inclinée sur le côté, abîmé dans une permanente songerie… Le programme indiquait qu'il devait lire à la suite de trois jeunes poètes depuis sa loge où il attendait assis en compagnie d'une vieille amie (laquelle lui tenait ses feuilles). Il contemplait les articulations de ses doigts de la main, les pliant légèrement, plongé dans son mutisme. Il y eut un moment et un seul où, comme l'assistance tout entière applaudissait quelqu'un qui venait de se produire, il sortit de sa torpeur pour applaudir lui aussi, sans lever les yeux, comme stimulé par un son venant du vide… Au bout d'une heure ou presque — au bout de toute une vie — vint son tour. … Tous les spectateurs se levèrent et se tournèrent en direction de Pound dans sa loge, pour l'applaudir. Les applaudissements se prolongeant, Pound essaya de se lever de son fauteuil. Un micro était à sa portée. Agrippant les bras du fauteuil de ses mains osseuses, il fit l'effort de se lever. Il échoua puis, essayant une seconde fois, échoua encore. Sa vieille amie ne lui vint pas en aide. Enfin elle lui plaça un poème entre les mains et, après une bonne minute, la voix retentit. D'abord la mâchoire bougea, puis la voix sortit, inaudible. Un jeune italien lui mit le micro très près du visage et l'y maintint cependant que retentissait la voix, frêle mais ferme, plus haut perchée que je ne m'y attendais, mince filet monotone et doux. La salle s'était tue d'un coup. La voix me terrassa avec sa douceur, sa fragilité, sa détermination. Appuyant les bras sur le rebord en velours du balcon, j'y posai la tête. À ma grande surprise, une larme coula sur mes genoux. L'indomptable filet de voix continuait. À tâtons, je quittai la loge par la porte du fond et gagnai le couloir désert du théâtre, laissant l'assistance toujours tournée vers lui. Je descendis et sortis dans la lumière du soleil, en pleurs…
Tout au-dessus de la ville
près du vieil aqueduc
les marronniers
étaient encore en fleurs
Des oiseaux muets
passaient dans la vallée
au loin en bas
Le soleil brillait
sur les marronniers
et les feuilles
tournaient au soleil
tournaient tournaient tournaient sans cesse
Sans jamais devoir s'arrêter
Sa voix
continuait
continuait toujours
au milieu des feuilles….
in Inuits dans la jungle - Numéro 2
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Par jlmi le 3 Septembre 2023 à 00:27
texte & photo Volker Braun
Il y avait bien là un mur pour 17 millions
Il était solide et presque
Infranchissable. Une sinistre
Affaire qui fonctionnait. Si sévèrement
Gardée, incidents sanglants
On a pu les chiffrer. Renseignez-vous
Sur cette construction qui pointait vers l'avenir
Et nous accable
Par son simplisme. Elle fait encore jaser
Les peuples sédentaires.
Dans leurs cosses, les Écossais ! Les Allemands, les Français !
Trop vite abattu
Il fut la bévue
D'un siècle inconscient
D'une confiance sans limite
dans le vivre ensemble. Comme si
Nous faisions face au néant, pareils
À la Rome éternelle !
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