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Par jlmi le 29 Août 2020 à 00:44
texte de murièle modély ill. anonyme
Parfois la phrase te fait le même effet
que la parole vide d'un homme politique
répétée en boucle sur les réseaux sociaux
la phrase comme un grelot
un crissement d'ongle sur un tableau
parfois la phrase
t'irrite
t'agresse
te donne envie d'être une plante verte sur le rebord de la fenêtre
la traînée brillante d'une limace sur la poubelle
d'être une mouche, son piquetis noir sur la vitre sale
d'être le crépi sur le mur
la table froide sous la main
de n'être qu'une chose
inerte mais vivanteParfois une phrase te fait le même effet
qu'un glaçon sucé
en plein soleil, un après midi d'été
morsure et frisson
sur la peau et la langue
parfois une phrase se plante d'un seul coup
en plein milieu du cœur
en gros bouillons de mots, entre la veine et l'aorte
parfois tu es vivante, d'autres fois morte
mais toujours la phrase va et vient quand tu
écosses les petits pois
écoutes la radio
fais l'amour
lis un livre
voilà ce qu'elles font, les phrases
qui te retournent, t'attrapent, t'embrassent à pleine bouche
ces phrases
qui n'ont aucun sens, aucune raison d'être
à part d'être jolies, ou tendres, ou dures
caresse et morsure
sur la joue et la main
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Par jlmi le 28 Août 2020 à 00:27
texte de werner lambersy collage jlmi 2013
Tous les jours
j’arrose une petite plante
verte sans savoir
si elle a soif
je donne du pain
aux oiseaux sans savoir
s’ils ont faim
je prends
une plume et du papier
et j’attends
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Par jlmi le 26 Août 2020 à 00:14
PRÉDILECTION
par le Salut invérifiable d'un Idiot souterrain
''L'ordre et la connexion des idées est le même que l'ordre et la connexion des choses.''
Spinoza l'Éthique Livre II (1677)
la présentation virtuelle proposée ici d'un extrait de ce texte tente de rendre l'impression 3-D ressenti à la lecture de ce codex* véritable ''porte aux dix mille serrures'' ** au cours de ce périple vous atterrirez problablement sur un autre site. Bon voyage...
Ce ne fut pas un divertissement. Les villes mouraient. Il n’était plus possible de fuir & malaisé de se rendre insaisissables : comment s’écarquiller, & à quoi bon ? L’ancien monde s’en était allé, avec son héritage. Aux abords disponibles, dormant peu & n’attendant pas de délivrance, espérant vaguement savoir à qui profitaient les crimes : où perdre tous ces gestes, & de qui se venger ? Ces bêtes étaient-elles si singulières qu’aucune manière de vivre ne leur convienne tout à fait ? Quels mots fallait-il étreindre ? Mais chaque vie est invérifiable – quelques ténuités pleines de prodiges, les vents sans égards. Il faut donc chanter sans rien vouloir prouver – fenêtres & recueillements, La Terre partout vivante.
Quelque chose s’éveille alors aux confins des moments de jachère, & le désir est sans époque. & quand l’immense vague de lumière se retire, déposant des satisfactions & quelques attentes, l’étreinte immédiate est plus exaltante que la permanence illusoire d’un été. Le grand vent calme exulte & gémit, & bien sûr l’élan de perdition des ponts, les lieux de perdition penchés, le drôle d’élan des ponts, le drôle d’élan des grues & l’eau organisée partout, les ombres changées par la nuit, l’effort indispensable & impitoyable, une frénésie sèche, sévère, les nuits de caillou, & les férocités qu’il faut connaître : ce n’est pas égal. Un mouvement est accompli sans changement, un changement est accompli sans mouvement, & cela ne dit rien. La nuit est épaisse & liquide, odeurs & distances intimes & mêlées, ferveur sans futur & sans histoire, ces étendues profondes jamais verticales, & aucun feu n’est approximatif. Puis les oiseaux pétrissent le matin, dans la délicatesse des bonnes distances que rien ne décrète. Nous sommes d’étranges bêtes, & nous passerons aussi, parmi les peuples qui s’assemblent & les migrations énormes. Cette béatitude en vaut bien d’autres. Malgré tout il faut trouver un lieu où connaître la vie sans contour : quelle est cette prédilection ? Une parole qu’une onde effleure, car Elle est le pilier autour duquel danser, s’ébattre & s’effacer, & ce juste souci qui bondit pour éviter. Il me dispense d’être utile.
* ce codex a été imprimé au mois d'août 2011 au 103, à Grenobleà 107 exemplairesà l'instigation d'Emma Chaos
** ce terme "dix mille" vient de l'expression chinoise utilisée pour signifier une quantité quasi infini
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Par jlmi le 25 Août 2020 à 00:07
texte & illustration jlmi 2009
Fils de Jana l’Illuminée - forêt-femme affamée diffamée, baveuse de mots sages et poreux, cocotte en papier fouillant son tas d’immondices à la recherche de rêves jamais rêvés - tout ton monde disparaît sous une neige aux relents de formol. C’est comme un lent glissement vers un bocal de verre sur une mer d’argent fauve, parfois mauve, friable, saccadé.
Pars !
Tant qu’il est encore temps, pars !
Cours attraper le vent et ses psalmodies chauves,avant qu’esprit lavé et corps_rompu tu n’abdiques.
Fuis,
cette république de ‘’vend-du-vent’’
cette république de roman-photos
des professeurs de (petite) vertu
Fuis ce peuple muet
dont seuls les yeux vivent
devant leur écrans plats
comme leurs encéphalo(µ)grammes.
Fuis,
sans personne,abandonne ce sac noir d’ennui,
sans air, sans issue,
ce chaos à gerber des gerberas jaunes,
avant que ta pâle raison ne s’envole
et que cogne ton cœur en sueur, moteur rageur aux fleurs en pleurs.
File,
et dans les rues écoute
G’ n’ R’ frapper
à coups de riffs d’enfer
aux portes du paradis
de Bob D. …
… Pars ! Fuis ! File !
Juste à l’aventure
Juste à la vie.
Ta vie…
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Par jlmi le 24 Août 2020 à 00:04
texte & collage jlmi 2013
Vieille bâtisse de campagne, ferme manoir en ruine, une vaste cour pavée de grès ceinte de plusieurs corps de bâtiment . Pierre de taille à la couleur ci et là marbrée de rouille et de lichens vert de gris. Des huis croûteux, aveugles ou borgnes, aux persiennes écaillées suspendues en vols immobiles. Parfois de lourdes portes aux bois patinés par les pluies et le vent, aux joints baillant contre la volonté de ferrures forgées en volutes. Vielles tuiles brunies aux toits laissant passer la lune au filtre des bras levés de poutres éclatées et de solives calcinées…
Décision de tout quitter pour s’y installer.
Emménagement dans le corps principal avec le peu de meubles disponibles. Du camping en attendant la réalisation des travaux nécessaires.
Un homme vient demander où mettre les vieilleries ? Dans la grange, grand et haut bâtiment extérieurement très endommagé, mais avec une petite porte latérale dans la partie la moins abîmée.
Il revient : " la porte cache une autre porte derrière laquelle …"
Cavalcade. Cette seconde porte donne accès à une immense pièce intacte aux murs lambrissés, jusqu’au très haut plafond, d'un bois précieux clair tout de ronds de bosses, piqué de candélabres de bronze aux globes d'un verre laiteux. Tout y est magnifique… immense. De plus en plus… Une lumière douce, irréelle, diffuse d'une verrière en coupole invisible de l'extérieur. Extérieur ? Le mur n’est plus là que pour dissimuler… D'ailleurs est-il toujours là ? A-t-il jamais existé ? Les fenêtres délicates et élancées ne donnent sur rien... Elles sont là comme de somptueux miroirs
Au fond de cette pièce de cinq ou six cent mètres carrés, peut-être plus, difficile de dire, un escalier fantastique à la rampe sculptée d'une élégante mollesse enchâsse une porte monumentale ouvrant sur un large et long couloir. Dans ce labyrinthe déployé, des portes, profusion de portes… à chaque pas plus encore… Derrière chacune une pièce ou des escaliers vers les étages. Autant de pièces, autant de musées…
La population voisine alertée arrive en masse pour visiter. Piller ? Impossible d’endiguer ce flot. Comment protéger ces merveilles ?…
Réveil !
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