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Par jlmi le 27 Juillet 2020 à 00:27
texte de pierre seghers ill. anonyme*
Dans les relents d’une cantine, dans la sciure et le vin rouge
la serveuse regarde parfois d’étranges figures qui bougent
Elle voit à même le sol des drapeaux de toutes les couleurs
mêlés et déchirés, les soldats n’y reconnaissent plus les leurs
Elle efface à coup de wassingue tout ce qui reste des armées
pour que le carrelage brille, puis elle s’en va, désarmée
dans la cuisine, astiquer le percolateur. Elle s’y voit
laide, avec de longues dents et de gros doigts.
Un jour, un garçon qui peignait de grande fresque dans la salle
-- un artiste-peintre, au régiment, ça barbouille, là où on l’installe
lui a dit : « Tu n’as pas changé. La même depuis 48, sur les
barricades, tu t’en souviens ? ». Il s’est mis à peindre plus vite,
une femme qui brandissait un drapeau et chantait. C’était drôle
ce bras tendu, ce curieux bonnet, ces épaules
où elle se retrouvait jadis, rien qu’un instant, rien qu’un instant
dans les relents de la cantine, près du soldat lui souriant…
* si vous connaissez l'auteur de l'illustration, merci de me le faire savoir par les commentaires, d'avance, merci.
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Par jlmi le 26 Juillet 2020 à 00:16
texte de ismaël ait djafer 1951 ill. jlmi 2014
dédié à ceux qui n'ont jamais eu faim...
Poème / Préface/ Eclair / L'édition de ce / Poème / Est le résultat d'une / Mendicité / Publique. / C'est le suc des / Herbes / de la / Misère / Macérées dans une boite de fer blanc ramassée dans la / Rue.../ Buvez-le.. ce suc.
Foule
Particulier
Auditoire
Spectateurs
Badauds
LecteursJe lève
Mon verre plein de sang
à
La santé
de ceux qui sont en bonne santé
Je le lève
Et je le casse
Rageusement sur le comptoir
De ma colère
Et
J'en triture les tessons
Rageusement...
Entre mes doigts pleins de
Sang...
La complainte,
Voilà
Il faut aussi
Que j'aie toute ma tête à moi
Tout seul
Et pour toute la
Nuit...
Viens, Charlemagne
Je vais te dire un poème
Comme j'en disais hier encore
Au Quartier...
Je disais...
Mais il faut que je réfléchisse
Que je sois froid
Comme un cadavre
Celui de la petite Yasmina.
Je disais.
J'ai faim et je m'en fiche
J'a i sommeil et je m'en fiche
J'ai froid et je m'en fiche
Il y a des joies terribles
A gratter du papier
A deux heures du métro.
Bar du matin
Rue Dufour Paris
6ème
A 8000 kilomètres, il y avait la mer à boire
A boire et à manger le soir et le matin
Un coq à l'âne rôti
Avec mon copain Neptune
Avec mon copain Gitan
Avec mon copain Slim l'Américain
Qui avait trois doigts coupés
Avec mon copain Benny et ses yeux de Bozambo
Avec ma copine Nelly qui mangeait tout le temps
du sucre galvanisé pour les vitamines
K.
Mais tu sais
Charlemagne,
Il y a des gens qui disent j'ai faim
Et puis c'est tout.
Il y a des gens qui disent j'ai froid
Et puis c'est tout.
Il y a des gens qui disent j'ai sommeil
Et puis s'étendent sur le marbre
Des dalles
Des trottoirs
Des rues
Désertes...
Mais le ventre plein, les enfants de Charlemagne
Chantent une chanson.
Une chanson qu'on apprend à l'école.
Au clair de la lune
Mon ami Pierrot.
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot.
Les mains des pauvres
A la Casbah
Sont longues et maigres et tendues comme des racines
De pommes de terre.
La voix des pauvres
Est grêle
Et ils ont des yeux ronds
Et ils ont une sale gueule.
La gueule de Pépé le Moko quand il se casse rue du
Regard un jour de
Pluie
Au Musée Grévin.
Une minute de silence...
Deux heures de minutes de silence
A la mémoire des morts de faim
A la mémoire des morts de froid
A la mémoire des morts de sommeil
A la mémoire des morts fauchés
Et une minute papillon je t'en prie après vous, je vous en prie.
A la mémoire aussi
Des morts vivants, ni trop morts ni trop vivants
Qui sont encore
Vivants
Faute de mieux.
Un jour
Dans les rues de ma Casbah
Je me suis mis à compter les pauvres
Les gueux dénombraient leur vermine
Puces, poux, punaises emballage compris
In n'y a qu'un soleil pour tous
Pour les Américains et pour les Cannibales.
Mais les pauvres ne savaient pas
Compter
Et moi
J'avais la flemme de le faire
Car
Au fond, Charlemagne, je m'en fiche
Moi
De tous les crétins, les miteux, les pouilleux, les
Dégueulasses, les infirmes, les crevettes, les malheureux
Les ivrognes, les camemberts, les truands, les tordus,
Les sourds-muets
Et tous les autres, les gros et les maigres
Du moment
Que je peux plus acheter à la Petite Source
En chipant la salière et le pot de moutarde
Mon cornet de frites
Pour le manger
Rue de l'Ancienne Comédie et puis Rue de Buci...
L'absurde complainte de mes frères
L'absurde appel aux coeurs généreux
Seigneur, regardez-les
Donnez-leur leur caviar quotidien.
N'oubliez pas aussi
Leurs enfants
Ils ont besoin d'aller au cinéma.
Mais le ventre plein les enfants de Charlemagne
Chantent une chanson
Une chanson qu'on apprend à l'école :
Il était un
Petit navire (bis
Qui naviguait je ne sais plus comment
Ohé...
Ohé...
Mais ils l'ont dit
Il faut des hommes forts pour une nation forte...
Il ne faut pas courir après deux souris blanches...
Il faut être un roseau pensant...
Essuyez vos pieds avant d'entrer...
La chose est au fond du couloir
A moi comte, de deux mots il faut choisir le moindre
La naissance précède l'existence.
Ave Maria... morituri te salutant...
Vogue la galère
Evidemment... Evidemment.
EVIDEMMENT....
En 1944
Charlemagne,
Mes vers embouchaient des trompettes victoriennes.
Quand vous verrez un pauvre, affalé comme un mort,
A la pitié du nombre, en vain montrer sa face
Oh... Songez un instant à la terrible angoisse
Des vivants emmurés dans les cachots du Sort.
Les nuits sont fraîches au Canada...
Mais comme c'est plus facile
Plus vrai
De dire avec mes mots de tous les jours
Regarde
Regarde cette procession de têtes de pie sans vie avec
Leurs bidons de soupe, leurs bâtons d'olivier et leurs
Bâtons blancs
De la société
Protectrice des animaux domestiques
Ou pas,
Avec leurs boîtes de fer blanc, leurs chiffons, leurs
Burnous pourris, leurs chéchias pourries, leurs yeux
Pourris, leur démarche de macchabées, leurs pieds nus.
Leurs salles à manger, leurs courant d'air, leurs haïks
En portion de six comme la vache qui rit ou la vache
Sérieuse, leurs enfants, leurs cordes à noeuds, leurs
Cheveux, leurs pinces à linge modèle breveté S.G.D.G.,
C.Q.F.D., A.B.C.D., leur crâne rasé comme à
Barberousse, leur cou sale, les mots qu'ils marmonnent
Les jours pluvieux,
A bas l'hémistiche!
L'hémistiche est mort! Vive le Roi!
Au poteau!
Au piqué avec un bonnet d'âne et une veste de velours
Plus facile de dire
Avec la tristesse serrant ma gorge
A n'importe qui
Au Président de l'Assemblée Algérienne
A celui de l'estudiantina de Bab-el-Oued
A celui du club du chien de défense et de berger
Aux enfants de Marie
A Zorro, l'homme au fouet et son cheval Médor :
La charité pour mes frères qui ont faim
(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).
Source http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...
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Par jlmi le 24 Juillet 2020 à 00:30
texte de Lee Sumyeong toile de anselme kiefer
Je grimpe les escaliers,
escaliers froissésÀ chaque marche,
les menaces disparaissent.Deux personnes se battent
elles jettent les escaliers ;tout le monde se bat.
Une personne coupe le bras d’une autre personne
et le jette au loin.Le bras jeté au loin
revient
et grimpe les escaliers.Je fais des roulés-boulés et
bascule vers moi, fréquemment.Je grimpe les escaliers
mais les escaliers sont invisibles.Je m’assois sur l’échafaud
mais je suis déjà décapitée.traduction Marie-Christine Masset
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Par jlmi le 21 Juillet 2020 à 00:02
texte de werner lambersy ill. jlmi 2020
Il n’y a plus d’eau
Il y aura des millions de morts
Il n’y a plus d’air
Il y aura des millions de morts
Il n’y a plus d’espace
Il y aura des millions de morts
Il y a dieu l’argent et la drogue
Il y aura des millions de morts
Mais il y a nous
Et le bel enlacement d’amour
Qui nous libère
De tous ces millions de morts
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Par jlmi le 19 Juillet 2020 à 00:43
texte de marie allègre ill.jlmi 2020 d'après jérome mesnager
Couchée contre ton dos
Je passe ma main sur toiChaque élan de mes doigts
Te dit je t’aimeJe fais couler ma langue entre tes deux épaules
Au creux de la colonne
Au gré de ma folieTu es vaste
Mon miracle
Et je t’exploreMa forêt de peau tendre
Ma montagne bénie
Fleuve d’amour
Courant de force
Tu tiens de l’infini
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