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Par jlmi le 22 Août 2020 à 00:58
texte de cathy garcia photo evgeni shaman ''stranded with silence'' 2009
l y a une femme seule au fond d'un bar
Autrefois, elle était belle, les regards
S’attardaient sur elle, maintenant
La pluie bat les carreaux
La femme est triste
Elle noie des larmes
Dans un alcool blanc
Et contemple sans la voir
La glace qui fond
Dans son verre
Elle attend un inconnu vêtu de noir
Il finira bien par venir
Il la reconnaîtra c’est sûr
Il lui offrira son bras et ils iront
Se promener le long des quais
Sous le givre des réverbères
Sur les pavés scintillants
Ils iront tout deux, oui
Jusqu’au cœur de la nuit
Veufs et heureux.
cg 1999 in Théâtre d'ombres
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Par jlmi le 20 Août 2020 à 00:50texte werner lambersy collage jlmi 2013
ULURU
ou ce que dit le didjeridoo
Tu as le rêve d'Uluru
La montagne peinte en rouge
Pour la danse rituelle des mondes
Toi que des ancêtres nus
Et des âmes sans corps
Rêvent et envisagent
Pour être dans les transes du sommeil
Et non dans l'oubli de la mort
Tu es le rêver d'Uluru
Montagne sainte et ronde
Comme l'œil du soleil
Au milieu de désert
Ou la lune par les nuits
Froides et sans paupières
De l'univers
Quand l'abîme sans bord
A rêvé qu'Uluru
Serait enceinte des cycles et des âges
Tu es l'éclat de verre
Du miroir où se cachent
Les défunts
Qui te rêvent
Sans voir
Eux qui songent
Au miroir des miroirs
Où se sont engendrés
Les mensonges du rien
Et l'image d'un corps
Que l'absence
A creusé
Dans les débris du feu
Et la fuite
Utérine des astres
Tu es l'ombre
De l'ombre d'une nuit
Comme soudain
Fleurit le sable
Sous l'averse ou l'ozone
A la suite de l'éclair
Uluru
T'as rêvé
Et tu rêves
Uluru
Ici à Paris
Où les hommes pèsent si peu
Qu'ils ne rêvent jamais
Les longs rêves patients
De la pierre
Là-bas dans la grande île sèche
Uluru dort
Et tu dors
Dans Uluru la porteuse
Maternelle de l'ocre semence
Des crépuscules
Où tu agites
Ton ombre
Là-bas sur la Grande Terre
Où tu n'es pas quelque chose
D'isolé mais un morceau non détaché
Du cordon ombilical
Des millénaires en cours
Là-bas Uluru dort
à ta place
et remplit le contrat initial
de rêver l'essentiel
Et son nombril est un tunnel d'étoiles
Vers l'âme unique de la matière
Et l'œil humide de l'amour
Alors écoute ici à Paris
Où les hommes sont tellement sourds
Qu'ils ont besoin de livres
comme des bouées qu'on lance dans le bruit
Ecoute
Ce que là-bas
Dit le didjeridoo
Quand l'homme à la peau
Peinte en rouge
Pour la danse féconde des jours
Arrache de sa bouche
Le grand brame doux
Et la giclée sonore
Du sperme de son souffle
Ecoute ce que disent
Les talons bien rythmés
De tes frères et soeurs
Dans la chaîne de la genèse
Et la poussière qui retombe
En silence sur leurs pas
Comme d'un tambour à l'autre
Des galaxies
Quand les tambourinaires de la lumière
Se répondent par-dessus
La forêt des ténèbres
Uluru est en toi
Et tu es dans le rêve d'Uluru
Dans le sommeil des origines
Et du vide
Que rêve le chaos
Alors ici à Paris où le ciel est un socle
A la beauté des femmes
Et l'air un pavois où hisser
Les héros
Du frisson
Ecoute en toi la chanson d'Uluru
Dont le rêve
Et la force virile
Et l'ovule éternelle
De l'instant
Uluru dort du rêve de ceux
Que l'étincelle d'aimer
A rendu plus légers que l'hoplite
Embarrassé par l'armure
De sa mort
Et la fragilité des genoux
Alors tu poses la pensée
D'Uluru ici à Paris
Dans l'arbre qui s'ébroue
Sous un vol d'étourneaux
Dans le vieux transistor d'un matou
Qui ronronne au soleil
Ou l'écharpe de brume
Autour du cou et sur les épaules
En bitume de la ville
Uluru est partout
Où l'on rêve de remettre
Le compteur de la haine à zéro
Car les mots sont morts de ne pas l'avoir fait
Tu es le rêve d'Uluru
Qui a vu naître la vie
Comme un rêve dont celui qui s'éveille
Se souvient vaguement
Et raconte des bribes au suivant
Ici à Paris
Dans la mémoire
Aborigène d'Uluru
Tu es aussi nu lorsque tu aimes
Que le reflet qui passe
dans les vitres
Où le nuage danse
Sur la Seine
Alors dis-toi
Que tu es
Uluru
Que ton sexe
Est le didjeridoo
Que ta peau
Et les grottes peintes
De ton âme
Résonnent
Des mêmes sons
Reconnus immémoriaux
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Par jlmi le 19 Août 2020 à 00:47
texte & photo jlmi 2008
Je suis là depuis des millénaires, je pourrais même dire depuis l’origine du monde. Pas le monde des hommes, si jeune, si puéril !
Non. Le monde minéral, celui de la concrétion d’après le grand barouf. Paf ! Boum !
Bien sûr, je n’avais pas la forme que j’ai aujourd’hui. Comme tous mes camarades de l’époque d’ailleurs. Nous étions tous très... unis. Nous étions même inséparables !!! Puis le temps a fait son œuvre, il nous a séparés, aidé en cela par ceux d’entre nous dont la nature était d’être fluides et ceux qui, dans un tel état d’excitation pour se faire une place à la surface, atteignaient la fusion avant de rejoindre les grands courants ascendants du magma.
Enfin, tout ça est tellement loin que je ne me souviens plus bien de tous les détails. Toujours est-il que l’érosion m’a donné une vie propre, en cela qu’elle m’a permis de voyager en banc de myriades de grains assemblés pour de grandes transhumances conduites par l’eau ou le vent.
Aujourd’hui, je m’étale en une longue et belle plage blanche et rose entourée de mes parents chenus, ces somptueux blocs de granit rose aux formes arrondies que vous ne pouvez manquer d’apercevoir lorsque vous venez me rendre visite. Dans leurs jeunesses, vous auriez dû les voir, hauts et pointus, défiant le ciel et ses nuées. Plus de dix mille mètres. C’était quelque chose. J’avoue que maintenant ils font bien leur âge, ils souffrent d’arénisation. Tant mieux d’ailleurs ! Sans cela je ne serais pas là !!! Je m’égare, excusez moi, mais je n’ai que ça à faire…
Donc, je suis là. Sur la côte nord de la Bretagne, dans ce pays appelé France. Chaque jour, par deux fois, la mer vient me baigner, en douceur, souvent avec tendresse, vague après vague. Sauf quand elle est en colère bien sûr. Alors ces jours là, ça déménage, passez moi l’expression. Elle me brasse, me masse, me malaxe, me pitrouille, me papouille, me tourne et me retourne avant de m’abandonner hors d’haleine et trempée. Heureusement, j’ai plusieurs heures pour m’en remettre. Et puis elle n’est pas souvent furieuse deux fois de suite. Il faut bien lui reconnaître ça. Un autre avantage que j’ai omis de vous conter : la mer supprime toutes mes imperfections. Elle me retend la peau même si elle me laisse ici ou là des petits bourrelets, des ripple-marks dit-on je crois. Enfin, c’est ma thalasso à moi !
Le vent aussi prend soin de moi. Il me sèche, peigne mes mèches de surface, les met parfois en désordre mais ses doigts sont si doux… Enfin c’est comme sa compagne. Quand elle est en boule, il l’est aussi. Je crois que dans tous les couples il y a ce genre de chose. Nul n’est parfait. Moi, je suis résolument célibataire, ouverte à toutes et à tous pour être plus juste…
La pluie aussi est une bonne compagne, mais passagère, irrégulière, quoique certains en disent sur ici. Bonne fille la pluie, elle s’adapte entre les grosses gouttes et la bruine, entre les averses – les grains – et le crachin. J’aime bien la pluie. Elle m’hydrate et me dessale un peu.
Ah ! et puis il y a le soleil. Lui aussi me sèche comme le vent mais en plus il me chauffe, tiédit ma peau, la blanchit ou la fait rosir. Un réel plaisir. Vous connaissez d’ailleurs, vous qui venez coucher avec moi, non ? C’est bien cela que vous venez chercher, bien plus que moi je le sais bien…
Tentez donc maintenant d’imaginer ce qu’aujourd’hui peut contenir ma mémoire. Disons sur les cent dernières années, c’est tout. Facile. La mémoire du sable.
Sa mémoire vous dites vous, mais elle a perdu le nord, c’est pas possible !
Mais si, c’est possible et je vais vous mettre sur la voie. Parce que c’est vous !
Lorsque vous arrivez juste après mon bain, ma peau est lisse, souple et tendre. Puis, vous marchez, vous courez, vous jouez au ballon, vous me percez de vos parasols et de vos tentes, vous laissez vos enfants me trouer, me couvrir de ces pustules qu’ils appellent châteaux, vous me ratissez pour soi disant pêcher, vous laisser vos chiens me salir, ( je n’ai pas de caniveau dites-vous ? Curieuse réaction lorsque l’on connaît vos trottoirs à ce que je me suis laissé dire… poursuivons…), vous faites rouler vos char à voile, vous traîner vos bateaux ou vos planches à voile… Certains soirs même, vous venez vous aimez, un bain de minuit dites vous, mon œil ! Enfin, c’est mieux que de venir picoler ou se shooter…
Beaucoup d’entre vous me laissent leurs détritus et ça, c’est pas sympa. Du coup vous faites venir des herses pour me nettoyer mais en même temps ces monstres énergivores détruisent tout le petit monde vivant que j’héberge car vous n’êtes pas les seuls sur Terre, vous n’avez jamais été les seuls et c’est tant mieux, sinon ce serait tout bonnement invivable. Même vos cargos me dégueulent dessus de plus en plus souvent. Le pétrole, ça on vous le dit. Ça vous touche. Ça fait de l’audience, il y en a pour des jours et des jours à me voir engluée et nauséabonde, pleine de cadavres d’oiseaux, et seulement quelques uns d’entre vous se débattant avec toute cette merde ( oh pardon !)… Mais ce n’est pas tout. Il n’y a pas que le pétrole. Tenez, la dernière fois, c’était une cargaison d’ananas. Bien sûr dit comme ça, ça prête à sourire. Moi, ça me donne envie de chialer !
Et ces derniers temps tout ça empire malgré tous les signaux d’alarme que nous vous envoyons avec mes camarades des quatre coins du globe. Surtout celui de la calotte et il y met le paquet. Tâchez de vous en souvenir à l’heure de l’apéro – avec ou sans alcool - quand vous agitez vos glaçons dans vos verres…
Enfin, vous n’êtes que des humains, on ne peut pas trop vous en demander, ça, on l’a compris depuis longtemps… Mais de vous à moi - car vous pouvez êtes sympa quand même - à faire les cons comme ça, vous allez disparaître, mais nous, même blessés, abîmés, saccagés, défigurés nous serons toujours là avec tout le temps devant nous pour nous refaire une beauté, pensez, sur un million d’années…
Allez, même si c’est grave, nous resterons en relation. Mes camarades et moi nous ne sommes pas rancuniers. Ni rapporteurs d’ailleurs. Car si je vous disais tout…
Enfin réfléchissez.
Ou plutôt, agissez !
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Par jlmi le 18 Août 2020 à 00:42
texte de léo ferré portrait © andré villiers
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage et l'on oublie la voix
Le coeur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller
Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
Même les plus chouettes souvenirs, ça, t'as une de ces gueules
A la gallerie j'farfouille dans les rayons d'la mort
Le samedi soir quand la tendresse s'en va toute seule
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens
Avec le temps, va, tout va bien
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
Avec le temps on n'aime plus
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Par jlmi le 16 Août 2020 à 00:32texte de ferruccio brugnaro collage jlmi 2012
Nulle main, nul regard
camarades, nul souvenir.
Il n'y a que le silence
rayé par le poison
qui sort des cheminées.
Il n'y a que des visages
dilatés par l'attente, l'inquiétude.
Mais comment se peut-il que personne ne s'aperçoive de notre existence, ne pense
jamais à nous ?
Que personne ne veuille nous regarder
nous entendre dans notre réalité intérieure ?
Nous ne réussirons jamais à le croire.
Nous ne pourrons jamais
nous convaincre que nous sommes complètement seuls
in Ils veulent nous enterrer ! Editinter 2008 trad Béatrice Gaudy
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