• l'oeil & la plume... il viendra

    texte de cathy garcia               photo evgeni shaman ''stranded with silence'' 2009

     

    l y a une femme seule au fond d'un bar

    Autrefois, elle était belle, les regards

    S’attardaient sur elle, maintenant

    La pluie bat les carreaux

     

    La femme est triste

    Elle noie des larmes

    Dans un alcool blanc

    Et contemple sans la voir

    La glace qui fond

    Dans son verre

     

    Elle attend un inconnu vêtu de noir

    Il finira bien par venir

    Il la reconnaîtra c’est sûr

    Il lui offrira son bras et ils iront

    Se promener le long des quais

    Sous le givre des réverbères

    Sur les pavés scintillants

     

    Ils iront tout deux, oui

    Jusqu’au cœur de la nuit

    Veufs et heureux.

     

    cg 1999   in Théâtre d'ombres

     


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  • l'oeil & la plume... Uluru

    texte werner lambersy                                                           collage jlmi  2013
     
     

    ULURU 

     

    ou ce que dit le didjeridoo  

     

    Tu as le rêve d'Uluru

    La montagne peinte en rouge

    Pour la danse rituelle des mondes  

     

    Toi que des ancêtres nus 

    Et des âmes sans corps 

    Rêvent et envisagent  

     

    Pour être dans les transes du sommeil 

    Et non dans l'oubli de la mort  

     

    Tu es le rêver d'Uluru

    Montagne sainte et ronde

    Comme l'œil du soleil

    Au milieu de désert  

     

    Ou la lune par les nuits

    Froides et sans paupières

    De l'univers  

     

    Quand l'abîme sans bord

    A rêvé qu'Uluru

    Serait enceinte des cycles et des âges  

     

    Tu es l'éclat de verre

    Du miroir où se cachent

    Les défunts

    Qui te rêvent

    Sans voir 

     

    Eux qui songent

    Au miroir des miroirs

    Où se sont engendrés

    Les mensonges du rien 

     

    Et l'image d'un corps

    Que l'absence

    A creusé

    Dans les débris du feu

    Et la fuite

    Utérine des astres 

     

    Tu es l'ombre

    De l'ombre d'une nuit

    Comme soudain

    Fleurit le sable

    Sous l'averse ou l'ozone

    A la suite de l'éclair 

     

    Uluru 

    T'as rêvé 

     

    Et tu rêves 

    Uluru 

     

    Ici à Paris

    Où les hommes pèsent si peu

    Qu'ils ne rêvent jamais

    Les longs rêves patients

    De la pierre  

     

    Là-bas dans la grande île sèche

    Uluru dort 

     

    Et tu dors

    Dans Uluru la porteuse

    Maternelle de l'ocre semence

    Des crépuscules

    Où tu agites

    Ton ombre 

     

    Là-bas sur la Grande Terre

    Où tu n'es pas quelque chose

    D'isolé mais un morceau non détaché

    Du cordon ombilical

    Des millénaires en cours 

     

    Là-bas Uluru dort

    à ta place

    et remplit le contrat initial

    de rêver l'essentiel 

     

    Et son nombril est un tunnel d'étoiles 

    Vers l'âme unique de la matière

    Et l'œil humide de l'amour

     

    Alors écoute ici à Paris

    Où les hommes sont tellement sourds

    Qu'ils ont besoin de livres

    comme des bouées qu'on lance dans le bruit

     

    Ecoute

    Ce que là-bas

    Dit le didjeridoo

     

    Quand l'homme à la peau

    Peinte en rouge

    Pour la danse féconde des jours

     

    Arrache de sa bouche

    Le grand brame doux

    Et la giclée sonore

    Du sperme de son souffle

     

    Ecoute ce que disent

    Les talons bien rythmés

    De tes frères et soeurs

    Dans la chaîne de la genèse

     

    Et la poussière qui retombe

    En silence sur leurs pas

    Comme d'un tambour à l'autre

    Des galaxies

     

    Quand les tambourinaires de la lumière

    Se répondent par-dessus

    La forêt des ténèbres

     

    Uluru est en toi

    Et tu es dans le rêve d'Uluru

     

    Dans le sommeil des origines

    Et du vide

    Que rêve le chaos

    Alors ici à Paris où le ciel est un socle

    A la beauté des femmes

    Et l'air un pavois où hisser

    Les héros

    Du frisson

     

    Ecoute en toi la chanson d'Uluru

    Dont le rêve

    Et la force virile

    Et l'ovule éternelle

    De l'instant

     

    Uluru dort du rêve de ceux

    Que l'étincelle d'aimer

    A rendu plus légers que l'hoplite

    Embarrassé par l'armure

    De sa mort

    Et la fragilité des genoux

     

    Alors tu poses la pensée

    D'Uluru ici à Paris

    Dans l'arbre qui s'ébroue

    Sous un vol d'étourneaux

    Dans le vieux transistor d'un matou

    Qui ronronne au soleil

     

    Ou l'écharpe de brume

    Autour du cou et sur les épaules

    En bitume de la ville

     

    Uluru est partout

    Où l'on rêve de remettre

    Le compteur de la haine à zéro

     

    Car les mots sont morts de ne pas l'avoir fait

     

    Tu es le rêve d'Uluru

    Qui a vu naître la vie

    Comme un rêve dont celui qui s'éveille

    Se souvient vaguement

    Et raconte des bribes au suivant

     

    Ici à Paris

    Dans la mémoire

    Aborigène d'Uluru

    Tu es aussi nu lorsque tu aimes

     

    Que le reflet qui passe

    dans les vitres

     

    Où le nuage danse

    Sur la Seine

     

    Alors dis-toi

    Que tu es

    Uluru

     

    Que ton sexe

    Est le didjeridoo

    Que ta peau

    Et les grottes peintes

    De ton âme

    Résonnent

    Des mêmes sons

    Reconnus immémoriaux

     

     
     

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  • l'oeil & la plume... mémoire de sable

    texte & photo jlmi  2008

     

    Je suis là depuis des millénaires, je pourrais même dire depuis l’origine du monde. Pas le monde des hommes, si jeune, si puéril !

    Non. Le monde minéral, celui de la concrétion d’après le grand barouf. Paf ! Boum !

    Bien sûr, je n’avais pas la forme que j’ai aujourd’hui. Comme tous mes camarades de l’époque d’ailleurs. Nous étions tous très... unis. Nous étions même inséparables !!! Puis le temps a fait son œuvre, il nous a séparés, aidé en cela par ceux d’entre nous dont la nature était d’être fluides et ceux qui, dans un tel état d’excitation pour se faire une place à la surface, atteignaient la fusion avant de rejoindre les grands courants ascendants du magma.

    Enfin, tout ça est tellement loin que je ne me souviens plus bien de tous les détails. Toujours est-il que l’érosion m’a donné une vie propre, en cela qu’elle m’a permis de voyager en banc de myriades de grains assemblés pour de grandes transhumances conduites par l’eau ou le vent.

    Aujourd’hui, je m’étale en une longue et belle plage blanche et rose  entourée de mes parents chenus, ces somptueux blocs de granit rose aux formes arrondies que vous ne pouvez manquer d’apercevoir lorsque vous venez me rendre visite. Dans leurs jeunesses, vous auriez dû les voir, hauts et pointus, défiant le ciel et ses nuées. Plus de dix mille mètres. C’était quelque chose. J’avoue que maintenant ils font bien leur âge, ils souffrent d’arénisation. Tant mieux d’ailleurs ! Sans cela je ne serais pas là !!! Je m’égare, excusez moi, mais je n’ai que ça à faire…

    Donc, je suis là. Sur la côte nord de la Bretagne, dans ce pays appelé France. Chaque jour, par deux fois, la mer vient me baigner, en douceur, souvent avec tendresse, vague après vague. Sauf quand elle est en colère bien sûr. Alors ces jours là, ça déménage, passez moi l’expression. Elle me brasse, me masse, me malaxe, me pitrouille, me papouille, me tourne et me retourne avant de m’abandonner hors d’haleine et trempée. Heureusement, j’ai plusieurs heures pour m’en remettre. Et puis elle n’est pas souvent furieuse deux fois de suite. Il faut bien lui reconnaître ça. Un autre avantage que j’ai omis de vous conter : la mer supprime toutes mes imperfections. Elle me retend la peau même si elle me laisse ici ou là des petits bourrelets, des ripple-marks dit-on je crois.  Enfin, c’est ma thalasso à moi !

    Le vent aussi prend soin de moi. Il me sèche, peigne mes mèches de surface, les met parfois en désordre mais ses doigts sont si doux… Enfin c’est comme sa compagne. Quand elle est en boule, il l’est aussi. Je crois que dans tous les couples il y a ce genre de chose. Nul n’est parfait. Moi, je suis résolument célibataire, ouverte à toutes et à tous pour être plus juste…

    La pluie aussi est une bonne compagne, mais passagère, irrégulière, quoique certains en disent sur ici. Bonne fille la pluie, elle s’adapte entre les grosses gouttes et la bruine, entre les averses – les grains – et le crachin. J’aime bien la pluie. Elle m’hydrate et me dessale un peu.

    Ah ! et puis il y a le soleil. Lui aussi me sèche comme le vent mais en plus il me chauffe, tiédit ma peau, la blanchit ou la fait rosir. Un réel plaisir. Vous connaissez d’ailleurs, vous qui venez coucher avec moi, non ? C’est bien cela que vous venez chercher, bien plus que moi je le sais bien…

    Tentez donc maintenant d’imaginer ce qu’aujourd’hui peut contenir ma mémoire. Disons sur les cent dernières années, c’est tout. Facile. La mémoire du sable.

    Sa mémoire vous dites vous, mais elle a perdu le nord, c’est pas possible !

    Mais si, c’est possible et je vais vous mettre sur la voie. Parce que c’est vous !

    Lorsque vous arrivez juste après mon bain, ma peau est lisse, souple et tendre. Puis, vous marchez, vous courez, vous jouez au ballon, vous me percez de vos parasols et de vos tentes, vous laissez vos enfants me trouer, me couvrir de ces pustules qu’ils appellent châteaux, vous me ratissez pour soi disant pêcher, vous laisser vos chiens me salir, ( je n’ai pas de caniveau dites-vous ? Curieuse réaction lorsque l’on connaît vos trottoirs à ce que je me suis laissé dire… poursuivons…), vous faites rouler vos char à voile, vous traîner vos bateaux ou vos planches à voile… Certains soirs même, vous venez vous aimez, un bain de minuit dites vous, mon œil ! Enfin, c’est mieux que de venir picoler ou se shooter…

    Beaucoup d’entre vous me laissent leurs détritus et ça, c’est pas sympa. Du coup vous faites venir des herses pour me nettoyer mais en même temps ces monstres énergivores détruisent tout le petit monde vivant que j’héberge car vous n’êtes pas les seuls sur Terre, vous n’avez jamais été les seuls et c’est tant mieux, sinon ce serait tout bonnement invivable. Même vos cargos me dégueulent dessus de plus en plus souvent. Le pétrole, ça on vous le dit. Ça vous touche. Ça fait de l’audience, il y en a pour des jours et des jours à me voir engluée et nauséabonde, pleine de cadavres d’oiseaux, et seulement quelques uns d’entre vous se débattant avec toute cette merde ( oh pardon !)… Mais ce n’est pas tout. Il n’y a pas que le pétrole. Tenez, la dernière fois, c’était une cargaison d’ananas. Bien sûr dit comme ça, ça prête à sourire. Moi, ça me donne envie de chialer !

    Et ces derniers temps tout ça empire malgré tous les signaux d’alarme que nous vous envoyons avec mes camarades des quatre coins du globe. Surtout celui de la calotte et il y met le paquet. Tâchez de vous en souvenir à l’heure de l’apéro – avec ou sans alcool - quand vous agitez vos glaçons dans vos verres…

    Enfin, vous n’êtes que des humains, on ne peut pas trop vous en demander, ça, on l’a compris depuis longtemps… Mais de vous à moi - car vous pouvez êtes sympa quand même - à faire les cons comme ça, vous allez disparaître, mais nous, même blessés, abîmés, saccagés, défigurés nous serons toujours là avec tout le temps devant nous pour nous refaire une beauté, pensez, sur un million d’années…

    Allez, même si c’est grave, nous resterons en relation. Mes camarades et moi nous ne sommes pas rancuniers. Ni rapporteurs d’ailleurs. Car si je vous disais tout…

    Enfin réfléchissez.

    Ou plutôt, agissez !

     

     


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  • l'oeil & la plume...  avec le temps

    texte de léo ferré                                                            portrait © andré villiers

     

    Avec le temps...
    Avec le temps, va, tout s'en va
    On oublie le visage et l'on oublie la voix
    Le coeur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller
    Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien

    Avec le temps...
    Avec le temps, va, tout s'en va
    L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie
    L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
    Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
    D'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit
    Avec le temps tout s'évanouit

    Avec le temps...
    Avec le temps, va, tout s'en va
    Même les plus chouettes souvenirs, ça, t'as une de ces gueules
    A la gallerie j'farfouille dans les rayons d'la mort
    Le samedi soir quand la tendresse s'en va toute seule

    Avec le temps...
    Avec le temps, va, tout s'en va
    L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien
    L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
    Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
    Devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens
    Avec le temps, va, tout va bien

    Avec le temps...
    Avec le temps, va, tout s'en va
    On oublie les passions et l'on oublie les voix
    Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
    Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid

    Avec le temps...
    Avec le temps, va, tout s'en va
    Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
    Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
    Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
    Et l'on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
    Avec le temps on n'aime plus

     


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  • l'oeil & la plume...  nulle main, nul regard

    texte de ferruccio brugnaro                                                   collage  jlmi  2012
     

    Nulle main, nul regard

    camarades, nul souvenir.

    Il n'y a que le silence

            rayé par le poison

            qui sort des cheminées. 

    Il n'y a que des visages 

    dilatés par l'attente, l'inquiétude. 

    Mais comment se peut-il que personne ne s'aperçoive de notre existence, ne pense 

             jamais à nous ? 

    Que personne ne veuille nous regarder 

            nous entendre dans notre réalité intérieure ? 

    Nous ne réussirons jamais à le croire. 

            Nous ne pourrons jamais 

    nous convaincre que nous sommes complètement seuls

     

    in Ils veulent nous enterrer !     Editinter 2008  trad Béatrice Gaudy

     


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