• texte Charles Bukowski                                               collage Tim Roeloffs

     

     

     

    texte intégral en français in Nouveaux contes de la folie ordinaire

     

     

     

     


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  • texte & photo Jacques Prévert

     

    Rappelle-toi Barbara
    Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
    Et tu marchais souriante
    Epanouie ravie ruisselante
    Sous la pluie
    Rappelle-toi Barbara
    Il pleuvait sans cesse sur Brest
    Et je t'ai croisée rue de Siam
    Tu souriais
    Et moi je souriais de même
    Rappelle-toi Barbara
    Toi que je ne connaissais pas
    Toi qui ne me connaissais pas
    Rappelle-toi
    Rappelle-toi quand même ce jour-là
    N'oublie pas
    Un homme sous un porche s'abritait
    Et il a crié ton nom
    Barbara
    Et tu as couru vers lui sous la pluie
    Ruisselante ravie épanouie
    Et tu t'es jetée dans ses bras
    Rappelle-toi cela Barbara
    Et ne m'en veux pas si je te tutoie
    Je dis tu à tous ceux que j'aime
    Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
    Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
    Même si je ne les connais pas
    Rappelle-toi Barbara
    N'oublie pas
    Cette pluie sage et heureuse
    Sur ton visage heureux
    Sur cette ville heureuse
    Cette pluie sur la mer
    Sur l'arsenal
    Sur le bateau d'Ouessant
    Oh Barbara
    Quelle connerie la guerre
    Qu'es-tu devenue maintenant
    Sous cette pluie de fer
    De feu d'acier de sang
    Et celui qui te serrait dans ses bras
    Amoureusement
    Est-il mort disparu ou bien encore vivant
    Oh Barbara
    Il pleut sans cesse sur Brest
    Comme il pleuvait avant
    Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
    C'est une pluie de deuil terrible et désolée
    Ce n'est même plus l'orage
    De fer d'acier de sang
    Tout simplement des nuages
    Qui crèvent comme des chiens
    Des chiens qui disparaissent
    Au fil de l'eau sur Brest
    Et vont pourrir au loin
    Au loin très loin de Brest
    Dont il ne reste rien

     

     


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  • l'oeil & la plume...  Audrey   (Les réveils

     texte Martin Zeugma                                  ill jlmi2023 sur toile de Sylvie K. Paulic

     

    quand je suis passé réveiller Audrey c’était pour qu’on aille à la fête je ne pensais pas la trouver endormie enfouie sous sa couette la tête dépassant à peine avec un bras et une épaule je suis entré dans sa chambre je croyais qu’elle serait prête je me suis assis au bord du lit et j’ai posé ma main sur son épaule quand je suis passé réveiller Audrey elle s’est tournée vers moi avec un grand sourire et les cheveux désordonnés puis elle a demandé si je voulais bien l’épouser alors je l’ai embrassée et j’ai dit oui quand je suis passé réveiller Audrey on s’est allongé dans son lit elle a serré ma tête contre ses seins et puis un homme que je ne connaissais pas habillé comme pour se rendre à une réception est entré à son tour dans la chambre il a dit que nous étions beaux ainsi et que nous avions l’air amoureux avant de repartir en refermant la porte et que c’était sûrement dommage quand je suis passé réveiller Audrey j’étais encore endormi et j’ai cru que je passais réveiller Audrey

     


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  • texte & photo Nazik al-Mala’ika

     

    C’est en vain que tu rêves, ô poétesse
    Mienne, entre un matin et un soir, sans répit,
    À ce qu’est cette existence. 
     
    C’est en vain que tu demandes
    Pourquoi le secret n’est pas dévoilé,
    Pourquoi l’on ne t’accorde pas
    Le don de briser les chaînes.
     
    À l’ombre du saule, tu as passé
    Tes heures dans la perplexité,
    Sous les coups douloureux
    Que t’infligeaient ces énigmes,
     
    Questionnant l’ombre,
    Alors que l’obscurité ne sait rien
    Et que les destinées connaissent
    Tout ce qu’elle ignore.
     
    Tu regardes toujours l’horizon
    Anonyme, perplexe. Ce qui est caché
    S’est-il jamais manifesté au jour ?
     
    Tu questionnes toujours, et la destinée
    Moqueuse est un silence
    Hermétiquement clos,
    Un silence sans fin.

     

     

    Traduit de l’arabe par René R. Khawam in La Poésie arabe des origines à nos jours, Phébus, 1995.

     

     


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  • texte Yvon Le Men                                                                                 ill. Pep

     

     

     

     

    toute cette histoire
    à cause d’un mot
    qui manque à ma case
    à ma cause

    me cause des maux
    des maux de tête
    des maux de ventre
    des animaux sauvages
    qui hurlent
    dans ma tête
    dans mon ventre

    envie
    de crier
    à tue-tête
    envie de tuer
    ceux qui se taisent
    ceux qui te taisent
    ceux qui te tètent
    les yeux de la tête
    et même le bras

    un mot que je ne suis pas
    écrivent-ils

    personne ne parle
    personne ne m’a parlé
    écouté
    sauf une fois

     

    … / …

     

    j’ai écrit 50 livres
    et je ne sais pas
    écrire une lettre
    de recours
    gracieux

    à
    Madame
    La Directrice de
    Pôle
    Emploi
    Bretagne

    Madame
    une femme
    peut-être douce
    compatissante
    de gauche
    de droite
    mais douce
    du centre
    en équilibre
    sur ses deux jambes
    Madame
    peut-être mère
    grand-mère
    peut-être jolie
    sûrement pas jeune
    car Directrice

    … / …

    je voulais vous demander Madame
    ce qu'est un artiste
    vous qui le savez
    moi qui le suis
    en toute franchise
    intérieure
    contre vos mots
    à double sens
    avec les miens
    à contre sens

    …/…

      nom d’un chien
    loup
    il n’y a plus rien

    que des anonymes
    des âmes animées
    contre les noms
    et les prénoms
    de ceux qui demandent
    à qui parler
    à qui chanter
    et non à faire chanter
    ceux qui chantent
    et enchantent

    les saltimbanques
    sans banque
    sur qui compter
    pour continuer
    à conter
    des contes
    à ceux qui comptent
    pour eux
    sur eux
    pour vivre sans compter
    pas sans conter
    des contes
    à vivre debout
    entre chien et loup

    sous la lune
    même dans la lune
    un mot sur qui je peux compter
    même quand elle n’est pas là

    personne ne parle
    personne ne m’a parlé

    … / …

     

    à qui pôle Emploi donne du travail ?
    aux employés de Pôle Emploi
    d'abord
    qui ont peur de leur directeur
    qui fait peur aux chômeurs
    qui a peur des chômeurs ?
    qui se voient dans leurs yeux
    de chiens battus
    même sans collier
    d'enfants perdus
    au bout de leur vie
    d'enfance perdue
    en Bretagne
    et ailleurs.

    … / …

     

    Il est vrai
    sûrement
    il est juste
    sans doute
    sans aucun doute
    qu'un crime de sang
    est moins grave
    qu'un crime de case
    de ne pas être dans la bonne case
    du statut d'intermittent du spectacle vivant

    intermittent
    l'inter de mi-temps
    quel drôle de mot
    rien que de l'écrire
    on se sent comme un
    trois-petits-points
    qui sautent moutons et mutent
    mes rêves en cauchemars
    je me réveille à l'abattoir

    … / …

    Il est vrai
    que nous sommes en république
    c'est au peuple
    de décider
    le peuple dont fait partie
    comme moi
    le directeur de pôle Emploi
    des plaintes en proie
    au désarroi
    des rats des villes
    des rats des champs
    et cetera et cetera

    …/…

    Les saltimbanques
    sans banque
    sur qui compter
    pour continuer
    à conter
    des contes
    à ceux qui comptent
    pour eux
    sur eux
    pour vivre sans compter
    pas sans conter.

    … / …

     


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