• l'oeil & la plume...   Entendait-les-écureuils

    poème-nom, Cree                                                                         ill. jlmi 2023

     

     

    Il s’interrompait aussitôt au milieu
    d’une phrase, s’il entendait
    des bruits d’écureuil.

    Et il savait sous quel arbre attendre
    les écureuils. Même s’il sortait
    dans l’obscurité
    il savait quel arbre se ferait entendre
    avant que les écureuils y soient arrivés !

    Je me souviendrai toujours de cela, incompréhensible
    aussi aux autres : il s’arrêtait de pagayer
    presque au centre d’un lac à poissons
    pour écouter. En silence. Il ne parlait pas du tout
    simplement il se rongeait les doigts
    avec ses dents
    pour me prévenir qu’il avait entendu un écureuil.

    Je savais qu’il souhaitait que les os de ses doigts
    fussent des noisettes !

    À cette distance dans le lac je pouvais bien entendre
    s’égoutter les pagaies
    mais nul bruit d’écureuil.

    Cependant je voyais un écureuil s’éveiller
    dans son visage, chaque fois que cela arrivait.

     

     


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  • texte & photo Heptanes Fraxion

     

     

    mon esprit est un chien

    ni ciel ni terre ni ciment juste mon souffle dans les champs vides qui craquent comme des canettes comme des coquilles

     

    il fait vraiment bon ce soir

    la vie et le temps ne se percutent pas en me laissant des cicatrices

    dans la vallée l'air frais qui circule me régale

     

    le vieux raciste alcoolisé a réussi à choper le dernier bus

    les artistes et les avocats ont arrêté de frimer

    l'institutrice qui voulait se faire des amis sans pour autant tomber enceinte est rentrée chez elle

     

    il n'y a donc plus personne pour venir tout gâcher en ouvrant sa gueule

    plus personne à fuir ou à faire fuir

     

    il fait vraiment bon ce soir

    mon esprit est un chien

     

     


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  • texte & photo Yvon Le Men

     

     

     


    S'il vient sauras-tu le prendre le navire annoncé par les

    cinq océans

    Sauras-tu éviter les vagues qui viennent mordre le rivage

    L'écume dans la gueule blanche à faire reculer la nuit

    Pour que le jour ne s'achève jamais

    Pour que tu ne te reposes plus

    Il y a tant à faire sous le soleil



    S'il vient sauras-tu l'ennoblir ce bateau

    Décroche un croissant de lune

    Et voici une coque longue et fine comme une goélette

    Taille quelques rayons de soleil

    Et voilà un fier trois-mâts qui relève la tête

    Saisis une étoile filante en vol

    Et tiens bon la barre aux cinq épines de lumière

    Déchire la queue d'une comète

    Et mets toutes voiles de feu dehors



    Vers le
    Nord

    Au pays des couleurs bleues où la neige est blanche

    Où les troupeaux de rennes traversent les vallées qui

    descendent dans les fjords

    Nous donnant la mer à la bouche

    Vers le
    Nord où vagabondent les poésies

    Qui nous entraînent dans les pays du beau et du bon



    Pars comme se baladait le nain sur l'oie sauvage

    Tu prendras le premier oiseau qui dépliera ses ailes devant

    ta maison

    Ses plumes racontent que dans le froid il y a une odeur de

    cheminée

    Une main qui désire la tienne

    Des moufles en laine de toutes les couleurs qui galopent

    sur la prairie

    Écoute le chant des bâtisseurs de cathédrales

    Leurs voix maçonnent des fenêtres dans nos cœurs

    Leurs mains nous montrent les épaves des châteaux de

    sable

    S'agenouillant à la marée

    Implorant la princesse à la robe d'écume

    Pour qu'elle revienne du nouveau monde

    Nous raconter des histoires à dormir debout contre la vie

     

     


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  • texte Tristan Cabral                                                               ill. e dante

     

     

     

     

    j'ignore où je suis né mais une chose est sûre

    le château était plein de passages obscurs

     

    la nuit portait des fers et partout il régnait

    une odeur de charnier toujours renouvelée

     

    aucun soleil jamais ne perçait les feuillages

    et jamais je n'ai vu que des yeux sans visage

     

    c'est là que j'ai vécu de très longues années

    à la lueur des torches que quelqu'un allumait

     

    je passais mes journées dans de grands ossuaires

    à lire de très vieux livres et d'étranges glossaires

     

    je n'ai le souvenir d'aucune voix humaine

    ni d'autre figure pas même la mienne

     

    je n'essayais jamais de parler à voix haute

    et quand ma voix venait c'était celle d'un autre

     

    aujourd'hui je n'habite que des pays de lune

    je vis parmi les tombes dans la vallée des Rûnes

     

    je sais que pour toujours je suis un être informe

    étranger parmi ceux qui sont encore des hommes

     

     


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  • l'oeil & la plume...  cette chose

    texte & photo André Laude

     

    Cette chose très douce et très tendre

    faite d'odeurs et de linges brûlants

    qu'on nomme la femme

    et qu'il me faut meurtrir

    d'une caresse à peine ébauchée

    dans la clarté aveugle du désir

    Elle est la source frêle

    d'où monte encore plein de sang

    Au milieu d'un grand cortège d'ailes

    l'astre fugitif de l'oubli

    la haute mer pacifiée l'été épanoui des sens

    Dieu insaisissable dans toute sa magnificence.

     

    in Entre le vide et l'illumination

     

     


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