-
texte Chiara Pastorini ill. jlmi 2021
Je n'ai jamais repensé
à cet après midi où nous avons
fermé la porte
fermé nos paupières
fermé nos enfances
dans la chambre qui sentait la chaux humide
de ta grand-mère.
Le spectre de ta danse
sombre
fragmente la lumière
que les bouches édentées
des persiennes baissées
laissent filtrer.
L'œil aveugle
sans fin
cache et révèle le sens
profond.
Je n'ai jamais repensé
à ces dragées rassies
trouvées par hasard
dans le tiroir de la commode
et au voile en tulle blanc
que nous avons déposé
sur nos têtes
sœurs ou mariées
par jeu ou par gourmandise.
Tu m'enivres
avec l'arôme d'un parfum
à la saveur ancienne
et mon cou se change
en chair sensuelle
à caresser.
Ta danse s'arrête
sur le lit
immobile et obscène
de cette rivière divine
qui est la jeunesse.
Et maintenant
ce sont les murs
les mouches
et la poussière dans la lumière
qui dansent pour nous.
Je n'ai jamais repensé
à tout cela
et aujourd’hui c'est fini
le temps
où les prêtres et les dieux
s'inclinaient devant la pureté
de nos ventres tendus.
in Nouveaux Délits n° 70 octobre 2021
votre commentaire -
texte narki nal ill. tom wesselmann 1983
je suis -- je suis une femme
un être puissant
un être faible
un être fort
sanguinolant à la lune
un être impur
je suis -- je suis une femme
un être désirant
un être mouillé
un être muqueux
je suis d’où vous êtes nés
je suis un sexe troué
je pue la merde
je suis d'où vous venez
je suis -- je suis une femme
je suis clitoris
je suis orgasmique
je suis désir
je suis
je suis trop
vous voulez m'abaisser me réifier
me infantiliser
m'a modeler
m'exciser
me dominer me prendre
me tromper me laisser
me souiller me humilié
me violer me massacrer
tous les dieux me détestaient me craignent
je suis votre perte
je suis votre salut
je sais donner la vie
vous pouvez me tuer mais pas me remplacer
je ne me plierai pas
je suis -- je suis une femme
Je
publié dans Nouveau Délits n° 70 octobre 2021
votre commentaire -
texte werner lambetrsy photo Mo - soluble portrait 2016
Cependant que retiré en moi dans un voluptueux
mutisme j’écoute la pluie coudre longuement à la
machine et joindre l’ourlet des dernières brumes
aux dentelles noires des feuillages à ma fenêtre
votre commentaire -
texte cathy garcia ill. malgorzata stanislawa-szymko
Les doigts dans le suc
de l'insomnie
tissent la toile de fièvre
couleuvre des lombes
cascade, petits osselets
Sylve moite de draps froissés
deux prunelles vives
transpercent la nuit
ô douce
si douce agonie
in histoires d'amours histoire d'aimer édition à tire-d'ailes 2021
1 commentaire -
texte & ill jlmi (d'après Kolen Deida)
Regarder le noir,
si intensément labyrinthe.
Voir poindre une infime lumière.
Tout au bout.
De l’autre côté.
Le long du temps qui rêve.
Là où tout s’océanise et déferle
dans le sens des cailloux et des dunes…
… fruits du silence, les autres sont-ils vivants ?
Le néant m’emplit la tête.
J’abrite l’éloquence de la folie
dans les trous de l’univers.
Je suis Tout.
Je suis Rien.
Je suis bien.
Écrire fait naître la couleur.
1 commentaire