-
Expo à la Souris Verte à Cajarc (46)
Au bistrot littéraire La Souris verte, Place de l’Église à Cajarc, du 6 octobre au 8 novembre, un pot (très) convivial sera offert le samedi 7 octobre à 18 h.
votre commentaire -
Nous venons de passer le mois dit de la rentrée : bonne rentrée ! souhaite-t-on… Et la sortie, bonne sortie ? Nous usons au sens littéral de formules, elles finissent par être très polies mais que signifient-elles vraiment ? Formule, c’est joli ce mot si on n’y colle pas de chiffre après, genre formule 1 ou l’air renfermé d’un formulaire…
Et si nous profitions de la rentrée donc pour rentrer oui, véritablement, en nous-mêmes ? C’est ce que nous enseignent les cycles des végétaux qui en cette saison — de notre côté du monde en tout cas —, après avoir tout donné pour se perpétuer, laissent tomber leurs derniers fruits, dernières graines sur le sol où chacun sait ce qu’il à faire puis ralentissent le rythme, laissent redescendre la sève aux racines… Les animaux se préparent aussi pour la saison froide donc ce serait bien le moment de rentrer en soi, voir la rentrée comme un ralentissement, un approfondissement plus qu’une agitation, une accélération…
On l’oublie trop souvent : la majeure partie de ce qui se passe dans le monde, se passe d’abord en chacun de nous et on revient à la formule — abracadabra, que le feu de Dieu tombe sur toi ! — et quelle autre déité ici-bas que nous-même, qui décidons et créons, éludons ou provoquons, prévenons ou aggravons ? Sommes-nous déité de la discorde ou des récoltes ? De l’argent ou du soin ? De l’avidité ou du partage ? Ladite nature est imprévisible, oui, mais nous sommes une espèce dite intelligente et nous pouvons concevoir l’imprévisible et protéger l’essentiel. Encore faut-il se mettre d’accord sur ce qui est essentiel... Nous parlons de cultiver notre jardin intérieur : est-il jardin ou terrain vague plein d’ordures ? Jardin ou terre exsangue et saturée de pollution ? Jardin ou zone commerciale ? Jardin ou bunker ?
Que formulons-nous dans nos intériorités ? Quelles pensées, quelles intentions laissons-nous se densifier en nous jusqu’à ce qu’elles se matérialisent et agissent à l’extérieur ? Abracadabra ! La magie est un art du quotidien ordinaire, c’est faire bien attention à ce à quoi nous donnons formula, c’est-à-dire « forme », en latin.
La poésie est une façon de formuler le monde, qui nous imprègne, nous traverse, nous façonne et nous ensemence de l’intérieur. Un art du quotidien ordinaire.
CGC
(…) le chaos du monde n’est que la projection du chaos régnant dans chaque individu.
Jiddu Krishnamurti in L’origine de la pensée
En savoir plus : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2023/...
1 commentaire -
texte de Annelyse Simao ill. jlmi 2004
A l’instant fulgurant du jouir se quitter sans songer
à nos corps Nous parcourir Revenir à l’étreinte au jet
dans la suite la question du oui accompagne en continuA-t-elle un sens seulement pour elle
dans la bouche conquise où l’obsède
cette pulpe ouverte sans que puisse jamais lui parvenir
de certitude complèteIl plonge en moi couchée Suis-je sous lui au-dessus
Lequel attire quel conquiert
Qui des deux prend qui des deux cède
sinon l’une après l’autre
sa lèvre et la mienne*
Avant que son sperme ne commence à glisser où m’ouvrir
et m’investir je t’ai hissé d’avance du néant
T’égrène par syllabes en prénoms te cherche une danse
forme ébauchée de ce qui vientSens ce toucher d’un manque il me court sous la peau
Sors du rêve de plénitude creusé par ton fardeau
Vide au ventre Lancé dans mon corps par des songes
sous leurs figures absentes je plonge
où te pétrir une vie risque un élan et la mort
entre auparavant et désormaisDans un visage sonore pressenti distinct
nous t’aurons choisi(e) Jailli de notre ensemble
grâce au geste tant de fois recueilli dedans nos voix
mon cœur se déchirera ton appelExtraits de Dans un corps éloigné de mémoire, in Qu’il m’en reste partout, La Dragonne, 2005
votre commentaire -
texte de murièle modély ill. jlmi 2020
et dans le ventre cette braise qui n'a plus rien d'ardente
trop de cendres, les jours ont consumé
ont laissé leur suie grasse jusqu'à l'anus
une bavure que je regarde droit
dans les yeuxdans les gogues
"vas-y, baisse, remonte ta culotte
vas-y, respire, halète"
dit l'angoisse, ce poids mort qui pèse
alors je mets du rouge sur mes lèvres
du noir sur mes yeux
et je souris à des inconnus
surtout les tristes
les seuls dans les busqui n'ont même pas un téléphone pour un peu de lumière bleue
je m'assois face à ceux qui n'ont rien
dans les mains
dans les yeux
et j'espère que ma mâchoire sera assez grande pour deux
pour moi
pour euxje me dis qu'il doit y avoir de la beauté
sous nos odeurs de merde
sous nos petites suées
sous nos petites pensées
dans nos petites vies
il y a de la beauté
quelque part qui apaiseen attendant je mets du rouge, du noir, j'avale
pourvu qu'à l'intérieur mon charbon ne cesse de pulser
1 commentaire -
texte de isabelle damotte ill. X
Le père travaillait
sur le parking
alignait
poussait les caddys
à l’abandon
c’était avant
le coup des jetons
La mère
avant
gouvernante dans un grand hôtel
avant les enfants le mariage
avant d’avoir ce qu’elle avait voulu
avait croisé Gary Grant
« J’ai perdu la photo. »
La mère
mi-temps à Chambourcy
rapportait le jeudi à midi
les yaourts
périmés
Pour la première fois
neige et fruits mélangés
la tête nous tournait
à force de souffler
dans les moulins à vent
La mère
avec l’argent des caddys
et des rayons
le père devenu chef des rayons
la mère
avait acheté un costume
que ça se voit
et un après-midi
pour nous
des chaussures hush puppies
on partait à l’école
avec des chiens aux pieds
maman très fière de son affaire
Le père
le jour des deux mille francs
a découpé le gigot
pour fêter ça
la grosse Nadia
à l’école
s’enflait comme un boeuf
avec sa phrase majuscule point à la ligne
Mon père gagne 5000 francs par mois.
L’autre gamine
avec le geste
mon manteau
il a couté la peau des fesses
Le père à la fin
faisait les marchés
juste pour la voix haute
le rire pas caché sous la cape
ça valait bien la peine
de charger la voiture
La mère
quitte à manquer de tout
avait manqué de temps
elle avait prévenu
Vous verrez
il sera trop tard
quand vous irez poser des fleurs
sur ma tombe
On n’y va pas souvent
sur la tombe
on regarde les films
de Gary Grant
On pense au père
on vérifie qu’on a bien
dans la poche
son jeton de caddy
Paru dans le numéro 53 de la revue Bacchanales /TRAVAIL nov2015
2 commentaires