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texte de key mignot ill. barbara le moëne
Certains mots sont faits pour être entendus, les miens sont faits pour être lus.
Certains parlent d’amour, les miens parlent librement. Certains chuchotent, les miens crient.
Certains sont heureux, les miens aussi. Ils sont la libération d’un monde enfoui. Des mots sans visages, des mots en prose, en vers et contre tout, des mots volages, qui se posent et voyagent sur le papier. Des mots comédiens qui cherchent public. Des mots chiens qui coursent, des mots loups sauvages. Des mots qui ne visent pas dans le tas pour le plaisir du carnage, des mots qui préfèrent la branche d’arbre au fusil. Des mots qui ne feront couler que de l’encre.
Des mots qui ont choisi la vie.
texte & illustration parus dans Nouveaux Délits n°65 janv 2020
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texte de Andrés Sánchez Robayna ill. Antoni Tàpies
C’était une autre aurore
poreuse. Là face à nous,
deux rochers dans la mer
accouchaient la lumière,
mesuraient l’extension
et du sel et du temps.
Axes du soleil, les rochers
mesuraient, mesuraient,
nous mesuraient, et toi, et toi en quel instant
du temps es-tu, te disaient-ils, et toi
aussi, tu ne sais pas
que tu es moins encore
que la crête brillante de la vague au soleil ?in Sur une confidence de la mer grecque, traduit de l’espagnol par Jacques Ancet, sur des peintures d’Antoni Tàpies, Paris, Gallimard, p. 71.
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texte de werner lambersy photo la Demeure du Chaos
Ce mur
Je le côtoie chaque jour
On se connaît
Comme la mer la falaise
Ce mur
Je le longe chaque jour
Je ne sais ce qu’il défend
Et empêche de voir
Je sais
Qu’il empêche de passer
J’écris
Chaque jour des choses
Qu’il désapprouve
J’écris dessus
C’est à cela qu’il me sert
in journal sauvage 2019 inédit
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texte de jlmi ill. d'après "les amants du pont neuf" de léos carax
Eh !
Tête dans l’sac,
j’te parle !
Arrê_teu d’faire semblant d’pioncer
Dis moi c’que t’as r’senti
quand t’es sorti d’ta solitude ?
Une flam' noire,
une boule d'vide
un truc comme ça ?
Ou p’t’êt’e bien
une assemblée d’gueules en for_me d’fugue ?
Réponds merde !
J’veux savoir, êt’e prêt, tu comprends.
Ben oui,
toi t’étais armé pour ça,
rapport à ton âge à s’qu’on dit !
Moi j’suis jeune, j’ai pas d’cv d’la rue,
j’suis paumé, c’est tout.
Même les meufs s’fou_tent d’ma gueule maintenant,
T’sais c’qu’elle m’a dit la dernière ?
Qu’j’étais : « une épave mélancolique
des choses de la vie
perdue entre les cuisses
d’un absurde hasard
trou de néant cerné de vide
aux pestillentes désinvoltures
de varechs intimes.
Une merde quoi !»
T’en r’viens pas hein ! M'non plus,
j’en ai pris un vieux coup…
Y’a plus d’paroles
Comment j’ai pu m’en rappeler d’sa tirade ?
Ben, j’y ai fait répéter plusieurs fois
j’sais bien qu’jai les neurones un peu poncé à l’alcool
alors faut c’qui faut, non ? Enfin,
Un vrai toit d’rouille sur la tête j’te dis.
Alors tu m’réponds ?
Qu’j’te répéte la question !
Bon, j’ai compris, tu veux pas m’répondre.
C’est p’t’êt’e que tu peux pas,
p’t’êt’e pa’ce que t’es pas sorti d’ta solitude…
Bon ben j’te laisse hein
p’t’êt’e qu’un d’ces quat’…
... aux murs, les graffitis pleuraient
in les preuves incertaines inédit
en ligne sur ce blog en octobre 2019
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