• l'oeil & la plume... il était du troupeau

    texte jlmi                                                          aquarelle  antony gromley

     

    Il était du troupeau. Il y était né. il y avait été élevé et tout avait été fait pour l’y tenir serré.

    Un milieu familial toujours assujetti à de petits nobliaux campagnards ou de grands bourgeois parisiens avait cultivé à l’envie l’art du « Ne parle pas si on ne te demande rien » ou encore « Ne regarde pas les gens en face, c’est effronté, ça ne se fait pas. », premiers éléments vers une forme larvée de la servitude.

    De l’église alors omniprésente, de cathés en patros en passant par colos et confessionnaux, les curés pilonnaient les jeunes ouailles à eux confiées avec le devoir d’état et d’obéissance absolue à ceux qui sont au-dessus afin de plaire à Dieu. Et carte de pointage pour les présences à la messe s’il vous plaît ( ou non d’ailleurs, c’était pareil ).… Il en était.

    L’école de la République elle-même vous rangeait savamment en cases désignées, orientées, tout ce petit monde qu’elle avait à préparer pour la vie active alors dite professionnelle. Là d’où il était, - d'où i'venais - c’était le cours complémentaire. Il devait lui permettre d’aller un peu au-delà du certif’, jusqu’au brevet élémentaire même, pourquoi pas, si ses moyens et son travail…

    Au bout de ce tunnel de quinze ans, un expert de l’orientation scolaire le voua au métier de tourneur. Selon lui, il en avait toutes les qualités. Il manquait d’une, fondamentale, ce qui le mettait selon lui en totale contradiction avec ce projet : il avait une réelle aversion pour le travail du métal, ses mains noires et graisseuses alors que le bois est si doux au toucher, poncé à grain fin n'a-t-il pas le soyeux d'une peau, de celle du haut de l'intérieur d'une cuisse au plus près de l’intimité... Si au moins il avait dit menuisier cet homme, sans doute que…

    Fer et bois, matériaux on connaissait ‘’bien’’, le CC  à côté des matières scolaires classiques d’un cursus adapté sixième/troisième, offrait en effet du travail en atelier une fois par semaine. Mais il était expert, n’est-ce pas, cet homme, dans l’art de fournir de la matière vive à l’enseignement professionnel.

    Au programme d’alors au CC, la physique et la chimie. La physique, un peu abstraite, mais la chimie, Ah ! la chimie ! Selon lui, une voie toute tracée. Prestige de la blouse blanche ? Il ne savait, mais son choix fut vite fait.          

    Sans diplôme. Deux lettres de ‘’motivation’’. Deux réponses positives. Heureux temps du plein emploi du début des ‘’trente glorieuses’’….  

    Ça devint mon métier.  

    J’entrais donc dans le monde d’une progression marche par marche toujours aidé/coopté par un certain de la marche du dessus. Une méthode d’aspiration ascendante depuis longtemps rodée pour garantir le bon fonctionnement de tout le système.

    Dix sept années de cours du soir suivies de deux années d’école plein temps, soit dix neuf ans plus tard, je décrochais un titre d’ingénieur, un vrai, pas au rabais. Major de promo même que j’étais face à des petits jeunes qui avaient faits les classes préparatoires. Bête de somme, en somme, fruit du système et fière de l’être !

    Ainsi capé, je changeais d’orientation. Par aspiration. Nouveau domaine, le commerce dans la science. Il faut quand même des bases, non ?

    Là, plus de cours et de diplômes à passer, mais toujours l’ascension verticale avec les ressorts – ou miroirs ? - travail/compétence. Ainsi, je montais, montais comme la petite bête – ou le gros bêta – jusqu’à un perchoir, sans l’avoir voulu tout en l’ayant recherché plus ou moins, consciemment et/ou non.

    Le système est bien huilé – vaseliné serait grossier – même si soudain la contradiction vous pète à la gueule, littéralement. J’étais là pour mettre en forme ces messages qui doivent faire passer les « Mais, si… » pour des « Longs termes », ces pilules, petites et grosses, qui font mal, qui tuent l’espoir, qui brisent des vies au profit du… profit. Profit de ceux qui ont imaginé, mis en place, entretenu depuis si longtemps l’aspirateur. Ces rois du management sans ménagement car, par hasard – mais y en a-t-il ? - , le mot manager ne viendrait-il pas de ‘’faire le ménage’’ tout autour afin que les subalternes puissent travailler dans les meilleurs conditions possibles de… rentabilité pour la pompe à profit !

    Bien sûr au cours de cette période il y eut beaucoup d’autres messages sous beaucoup de forme, sympas ceux-ci, même si ce n’étaient que des carottes ou des poignées de queues de cerises... Mais il y avait les autres, putain ! les autres.

    Et on est là au cœur de la toile, englueur englué, à se débattre malgré tout, à tenter d’user le plus souvent possible de méthodes marginales, au rencard du système dominant, trop naturelles sans doute car sans assez de pression…

    Mais l’araigne règne, et la pression, concurrentielle celle ci, pour ce poste prisé, vous satellise un jour avant de vous débarquer sur le bas côté. Comme ça, comme scorie. Comme les autres. Le train doit continuer son chemin sur les rails en vigueur n’est-ce pas, sans quoi, où irions nous ?

    Longtemps colère et soulagement se mêlèrent en moi intimement, semant le trouble et le tourment, avant que le soulagement l’emporte. Alors, calme revenu, mon propre ménage devint possible ! De sous la poussière je remis au jour certaines vérités qui m’étaient chères…

    puis, du plumeau j’ai retiré une plume…  

     

     


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  • l'oeil & la plume...

    texte de victor ozbolt                                       ill. d'après un dessin d'Arthur *

     

    Les grands oiseaux blancs s'agitent

    Autour d'un nuage gris

    Dès que s'invite l'aurore

     

     

    Je suis un tout autre oiseau

    Au plumage imprévisible

    En caméléon des airs

     

    Un oiseau porteur de rêves

    Qui offre au bord de la lune

    Un coin de mon duvet tendre

     

    Un oiseau porteur de rires

    Jongleur de mots et d'instants

    Qui brave la maladie

     

    Moi le clown de l'hôpital

     

    poème paru dans Traction Brabant n°90

     

    *merci à Soleil rouge

     


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  • jlmi   Atxt.jpg

    texte et toile de jlmi 2005

     

     


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  • l'oeil & la plume...

    texte & "mer 8"  barbara le moëne

     

    teint pâli la vague creuse

    plus verte dans les creux

    dentelle jusqu’au déchirement

    bouillonne chaudron infernal

    d’ardeur déborde

    submerge — rage

    pas un homme pas une bête sur la plage

     

     

    mer assagie en apparence

    clarté s'avale par la rétine

    descend à l'intérieur du corps

    illumine les organes               

    — l’œil

    tombé à l'intérieur —

    étendue gris-pâle au loin

     

     

    rampe au loin la mer

    sur le ventre

    pas tranquille

    travaillée de l'intérieur

    comme un poème

    remue davantage vers la frange

    le bord où ça bouillonne encore

     

     

    Extrait de l’Anthologie Triages 2020, Tarabuste Editions (voir post du 19/10)

    Le mouvement du pinceau sur la mer, Barbara Le Moëne

     


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  • l'oeil & la plume...  parfois je dors

    texte jean-claude tardif                                                                   ill. jlmi2020

     

    Parfois je dors ; je fais semblant,

    j’écoute ma respiration sans la reconnaître.

    Suis-je un mammifère, un poisson,

    une pierre tombée d’une poche

    ou simplement

    une météorite qui se serait perdue ?

     

    Souvent je fais semblant, je dors.

    je me perds un peu dans le drap du silence,

    je suis une à une les lignes

    au fond de ma paume. J’ânonne

    une histoire trompeuse qui me ressemble

    et je ne sais plus soudain si ma peau

    porte en elle la mémoire

    qui le soir venu me fait défaut.

     

     in les chemins dérisoires

     


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