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texte Gaëlle Fonlupt ill. jlmi 2023
Les galets résonnent dans mon dos
ta langue s’aiguise lagune — plonge
en ressac tu ouvres ma fêlure
fouilles mon corps
comme Harrison la tombe de Machado
cherchant la valise de poèmes
oubliée dans un autre pays
ombre brune
assise sur ma poitrine
j’ai fait un collier de tes blessures
et de tes regards au couteau
métal dans ta bouche
mon sang est en avance sur la lune
in À la chaux de nos silences
Editions de Corlevour, 2023
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texte Caroline De Freitas ill. Isabelle Cochereau
Mes lèvres gonflent
et ce matin se ferment sur ton absence
l'air est habité par ton corps ; je te sens
mes lèvres gonflent
te caressent et te croquent
elles ont attrapé ton vide et se plaisent à te faire rougir
mon corps, lui, te veut
mes oreilles veulent t'entendre, te savoir
mes mains voudraient te sentir, elles cherchent et caressent
mes yeux s'ouvrent et se ferment
vont et viennent, t'imaginent, te dessinent
et mon cœur, lui, se demande ce qu'il lui reste a faire
il
te déverse
te souffle
te dégage
te crie
il
s'éprend
il
se tend
se défend
vide plein
plein vide
vide plein
plein vide
vide plein
plein vide
vide plein
panique a bord
mes lèvres me soufflent à l'oreille qu'elles voudraient te mordre
mon désir est en sueur et mon corps entier brille
panique a bord
je fixe tes prunelles timides et ta perle roule sous mes doigts
je le lèche je te bois
gouttes
de piment
sur
la langue
tremblements et palpitations
ça brille ça brille mais j'aime
tu aimes
je reste
tu restes aussi
mes courbes veulent encore les tiennes ; réponse sucrée
ta bouche se fond dans la mienne et mes lèvres envahies t'envahissent
tes seins durcissent et pointent et tes doigts me saisissent
poignet — visage — nuque — cheveux — hanches — mollets — pieds — mains
— lèvres encore — et encore visage et — fesses aussi— et encore ta bouche
— langue langue et langue encore —
je me glisse et m'étends
et nos peaux qui se touchent
et nos sexes se frôlent
et ton corps qui se tend
tu ondules et t'étends
mes mains s'agrippent
a tes épaules
dans cette danse folle
je hurle et je pourrais aller dans les moindres espaces
de ton ailleurs
je hurle
je veux que tu me croques
que tu me lèches et plus
j'ai chaud
les vêtements s'arrachent
se déboutonnent et volent
je te veux
en
moi
je te bois sans limite
et je compte
les jours
jusqu'aux temps chauds
jardinier.e de mon désir il y a de l'eau qui coule entre tes doigts
ton regard sanctuaire me retourne comme on bêche la terre
haletante
je ressens l'inconnu qu'il me semble connaitre
ça vient ça vient ça vient
reviens
glisser ta peau
contre
mes seins
in cahiers rouges n°1 (collection d'Hélas)
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texte Werner Lambersy ill. Net modif. jlmi 2023
Sans voix
Qui dit des choses
Qu’on ne dit pas
Même
À l’oreille qui n’entend pas
On la connaît grain de sable
Tombée des meules
De la montagne
Où presque personne ne va
On la savait goutte de pluie
D’une pluie
Dont les dernières
Moussons faisaient cadeaux
On traîne ce lambeau d’âme
Comme une carie
Parmi les canines aiguisées
Du quotidien
Et les molaires
Mâcheuses de crépuscules
La parole sans verbe envoie
Ses marteaux-piqueurs
Défoncer
La mosaïque de nos images
Et les parpaings mal ajustés
Du silence
Écrasent le reste en tombant
Laissant
Sur ces gravats
Les luzernes dorées et folles
Le grand rire silencieux
De l’univers est
Une intelligence amicale
Qui ne veut pas que nous
Nous sentions plus
Petits ni inférieurs à elle
Juste encore
Un peu sans expérience
Quand il s’agit
Du temps et de l’éternité
Conversation à l’intérieur d’un mur (extrait)
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texte Werner Lambersy photo Ellen Jordano by X
Pour connaître l’âge
D’un arbre
Il faut trancher le cou
Du tronc
Et compter le nombre
De colliers
Portés par les saisons
Pour deviner la route
D’un homme
Il faut suivre les rides
Autour du coude
Et mesurer l’opacité
De l’ongle de l’orteil
Pour croire connaître
L’âge d’une femme
Il faut observer le nid
De ses yeux
Les regards
Abandonnés et vides
Qui servent parfois
À d’autres
Et ceux dont la place
Restée libre
N’attend que l’amour
Alors que face au vent
Et nues de cœur
Elles s’offrent
Au coureur sacré
Des plaines odorantes
Et aux savanes
Obscures de son sexe
in Conversation à l’intérieur d’un mur
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