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texte Jacques Prévert ill Alla Tkachuk
Hélas ! Hélas !
Trois ou quatre fois hélas !
Voilà le mauvais temps, la crise et tout et tout.
Le capital en prend un coup,
ll se roule par terre et il gueule,
ll bave même un petit peu,
Toute la famille est inquiète.
Qu'est-ce que c'est ?
Ce n’est rien, c‘est la crise, ça va passer.Mais, dans sa cuisine, la bourgeoise sanglote,
D'une main elle faille signe de la Croix,
De l‘autre elle fait la cuisine, la mayonnaise.
Avec ses pieds, elle berce les enfants,
Avec sa bouche, elle leur chante une berceuse.
Mais les petits enfants,
Les petits bourgeois ne veulent pas dormir,
lls entendent, venant de très loin,
Les pas et les cris des marcheurs de la faim.
Leur bonne mère leur a dit :
Si vous n‘êtes pas sages, les chômeurs vont venir et ils vont vous prendre.Les petits bourgeois ont très peur.
Il y a des ogres dans le sous-sol de la maison.
Il y a des chômeurs dans les environs.Merci cg
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texte Charles baudelaire ill. Ricardo Kump
Je te frapperai sans colère
Et sans haine, comme un boucher,
Comme Moïse le rocher !
Et je ferai de ta paupière,Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance,
Mon désir gonflé d'espérance
Sur tes pleurs salés nageraComme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon cœur qu'ils soûleront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge !Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?Elle est dans ma voix, la criarde !
C'est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde.Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !Je suis dans mon coeur le vampire
- Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !
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texte & toile Marie Laurencin (la prisonnière)
plus qu'ennuyée
triste
plus que triste
malheureuse
plus que malheureuse
souffrante
plus que souffrante
abandonnée
plus qu'abandonnée
seule au monde
plus que seule au monde
exilée
plus qu’exilée
morte
plus que morte
oubliée
Barcelone 1917
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texte & photo André Laude
À Marsiho
l'été est froid
l'hiver est chaud
les assassins sont beaux
et les saints
trafiquent la coco
à Marsiho
on y trouve des ciseaux
des sœurs jumelles
des frères gémeaux
d'incroyables forbans
qui ne croient pas au ciel
des amantes des amants
des prisons des bordels
des gredins des hirondelles
et de très vieux mendiants
qui n'ont plus que la peau et les os
et qui mangent des épluchures
en pissant libres contre les murs
effaçant « défense d'afficher »
un jour j'arriverai à Marsiho
avec mes barons mes archers
mes capitaines fidèles
les femmes me feront escorte
avec leurs beaux grands yeux d'amour
j'entrerai par la plus grande porte
vêtu de mes plus beaux atours
ce sera fête fifres et tambours
guideront vers ma couche parfumée
celle que moi Jaufré Rudel
je cherche depuis toujours
d'Arles en Palestine occupée
la dame de mes pensées
ma dame bien-aimée.
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texte de fanny sheper photo de jlmi 2012
Qu’est ce qu’on n’a pas fait comme cochonneries tous les deux
On pouvait pas s’empêcher
Dans les hautes herbes perdues dans les branches
Contre un mur accroché aux antennes
Au pied d’une poubelle la tête dans les bijoux
Sur un banc gribouillé tout en haut des néons
On s’est rependus un peu partout
On se promenait dans les villes
Les mains sales de délices et les yeux juteux
On s’enveloppait tout le temps comme des nuages
Ton jean en tire bouchon et ma culotte au plafond
C’était rigolo
Dans un lit qui grimpe aux rideaux décoiffés
Contre un pylône les orteils dans les fils électrifiés
Dans un vieux sofa rouge et profond comme la mort des amants
Sur un plancher penché les cheveux mouillés
Dans le sable les doigts salés
On l’a fait mille fois partout
Comme des obsédés qui vont trépasser
On s’est écarquillés, on s’est entremêlés
Comme les derniers dingues d’une dynastie effondrée
On l’a fait
Cachés dans un zoo près des papillons
Dans les toilettes d’un bus bondé
A califourchon dans une forêt poilue
Sur un vieux lavabo qui boitait
Sur une peau de vache dans l’étincelle d’un crépitement
Contre un matelas à poils dans les étoiles
Dans un parking glauque à en péter les vitres
Dans les pâquerettes et les plastiques des bords de routes
On l’a fait partout, tout le temps
Comme des damnés qui vont crever
Comme des gamins déglingués qui se font briller
On l’a fait partout et après on est rentrés chez nous
On s’est évaporés comme ça dans une buée
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