• l'oeil & la plume... pièces rapportées

    texte Bruno Toméra                ill. jlmi 2022

     

     

     

    Lampadaires incolores, mon ombre déambulait entre ces rues de pierres jaunes, la tronche ravagée par la Guinness. Boite de nuit de merde, ce connard me branchait poésie, j'en avais rien à foutre de ses parachutages égotiques dans les pourtours de sa libido, il s'emmerdait autant qu'un autre, je n'avais plus besoin d'alibi, j'ai appris à m'en passer, c'est cela ma façon d'être poète, je n'ai pas d'alibi. On était donc tous là à attendre l'autobus de la mort et chacun un arrêt ou descendre et je rentrais dans cette morgue de la chambre d'hôtel, entre ces murs gelés de la mort, avec ces décorations virtuelles, ces draps élimés sans odeur, cet ennui gravé dans l'enclave de l'univers où il n'y avait rien à picoler, rien que de la sale solitude qui gouttait du plafond.

    Mon frère crevait les poumons dentelés par des virus aux noms mystérieux, il faut gaver de solennel ce qui nous échappe, mon frère crevait et je regardais ces femmes vertes en sabots de plastiques et en uniformes verts et je me demandais si elles portaient une culotte sous ce froc des urgences de l'hôpital Louise Michel, elles cavalaient chaque fois qu'un être descendait à un arrêt et je visionnais sur mon dvd perso haute définition les contours, le modelé de leur toison pubienne, l'odeur de l'amour, l'odeur de la mort, monstre et voyeur, une psycho m'a dit plus tard que l'on se protège comme on peut, je surnageais dans cette conscience ordonnée et désorganisée qui flirte dans le sempiternel show du chaos.

    Les pierres jaunes suaient et craquait sous le gel, j'attendais l'amour, je l'inventais muse à la peau blême, filles fleurs en dessous transparents sur les pages glacées des pubs des magazines qui permettent de glorifier l'insatisfaction après une putain de journée de boulot, des filles de pub télé qui déballent sous contrôle juste de quoi se branler entre deux flashs catastrophiques, filles aux longs cheveux bruns qui me faisaient bander, môme, quand je voyais ces hippies femelles balançant leur crinière et leurs hanches, connasses aussi tordues que leurs mères, leurs jupes long rideau de théâtre où  je débutais dans le registre des fantasmes convenus et fabriqués par la propagande du moment.

    Président escroc, sénateurs séniles, chefs de gangs libéraux, mains idéalistes et crocheteuses, donneurs de morales surpayés, experts caressant tous les sens du poil, tous fourgueurs de cames télévisuelles où l'information n'est qu'une anecdote frelatée de la sur-réalité. L'important étant de passer le temps, tout le monde ingurgite la came de la peur en se prélassant dans de confortables canapés. Adrénaline télévisuelle, le moi projeté dans les purificateurs cataclysmes.

    Les pierres suaient le gel par les fêlures, appuyé contre cette fontaine des souhaits je traficotais mon existence comme un chien rouge sous les clignements d'œil des étoiles qui se foutaient de ma gueule.

    Vendre de l'impuissance, je vendais contre un verre des poèmes écrits sur des cartons à bière, sur du papier sandwich et ils me rigolaient au nez leurs dents cariés, leurs sourires imbéciles me trouaient le thorax, je plongeais dans mon océan houleux et beau, seuls quelques coups de poing me ramenaient au graphique plat des conneries.

            Je me fous du monde éperdument, éperdument.

    Deux Bouddhas flics me poussèrent du bout de leurs tantras loyalistes, j'étais sur la bonne voie, plus loin, inconscients, des gens attendaient leur tour à l'arrêt d'autobus.

     


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  • texte & illustration Ana Minski

     

    Ses yeux, sa voix, son sourire, ses gestes me harcèlent.

    Son absence est une présence obsédante.

    Possédée, marquée, tenue en laisse...

    Les souvenirs m'empêchent de dormir

    De penser, de manger, de rire.

     

    Toute compagnie m'est devenue insupportable.

    Je me fuis moi-même.

    Marchant le jour, marmonnant la nuit.

     

    Qu'a t-il éveillé en moi ?

    Insomnies, maux d'estomac, relents de marécage, sable mouvant, étouffement, déchirement, manque, vide, soif d’infini inassouvie.

     

    Mon quotidien n'a plus de sens

    Mon quotidien est d'un ennui mortel.

     

    Illusions, visions, hallucinations ?

    Mon ombre est l’éclat de son fantôme venant vers moi.

    Quel poison pourrait donc l'extraire de mon corps ?

     

    J'invoque l'oubli !

     

    Des breuvages de sorcières, pour avorter cette douleur, l'extraire définitivement de toutes les cellules et pensées qui composent mon corps.

     

    J'invoque l'oubli !

     

    Baies de chèvrefeuille, d’arum, d'hièble, de cornouiller, armoise et ciguë.


    J'invoque l'oubli !

     

    Face au miroir

    Je me crache au visage

        m’entaille la bouche

        me griffe les joues

     

    J'invoque l'oubli !

     

    Je suis vulgaire violente vieille puante haineuse hargneuse infréquentable.

    J'invoque l'oubli ! Face au miroir

    Je l’insulte, le piétine, le boxe, le taillade...

     

    Mon cœur se tord de douleur et de honte

    Mon ventre est un abîme tourmenté qui se déverse

     

    Je le vomis

    Je le pisse

    Je le chie

     

    Qu'il crève, et toute la société avec...

     

    Un sang maronnasse coule de mes yeux, de ma bouche, de mes narines, de mon nombril, de mon sexe. Tas de viande suffocant sur un carrelage froid. Jusqu'à quels extrêmes m'auront conduit ces sentiments !

     

    Succomber à une telle fumisterie !

    L’amour, mon cul !

    On ne m'y reprendra plus !

     

    paru in Behigorri n°4

     

     


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  • texte Mélissa Roche                                                              ill. d'après Bvrst

     

     

    Encore une sœur tombée ce matin,

    Le prix de l'amour, parait-il, le coup de la passion.

    Un je t'aime martelé avec les poings,

    Ou quand le révolver remplace l'arc de Cupidon.

     

    Encore une sœur qui succombe ce matin

    Pour ne pas assez courber la tête,

    Pour ne pas avoir dit : oui, reviens

    Pour ne pas s'être soumise à l'esthète.

     

    Encore une sœur disparue ce matin,

    Le chasseur l'a eue, tapi dans sa lâcheté.

    Lui se cache derrière le frère, l'ami, le voisin ;

    Qu'il est trompeur le sourire du meurtrier !

     

    Encore une sœur assassinée ce matin,

    Et mon cœur se brise à l'unisson,

    Un morceau d'âme en moins

    Un cri de rage de Plan-de-la-Tour à Alençon.

     


     paru in Behigorri n°4

     


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  • l'oeil & la plume...  le palestre de Samos (extrait)

    texte de Werner Lambersy   ill.jlmi2022 BruxellesForrestal

     

    Les mamans de mes amis

    Sont mes amies

     

    Une fois par semaine aux

    Goûters qu’elles

    Donnent aux amis du fils

    De quatorze ans

     

    Les matelots du Forestal

    De la sixième

    Flotte américaine en baie

    De Cannes

    M’ont ouvert leur bordel

     

    Les filles étaient de Corse

    Ou de Marseille

    Et j’envoyais chaque jour

    Une lettre à

    Mon amour de Bruxelles

     

    Je n’avais pas encore vu

    Beaucoup de pays tristes

     


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  • l'oeil & la plume... la poésie est une ineptie

    texte Rémy Catalan  ill.Conrad Crispin Jones

     

    Il fait nuit.

    Noire.

    Une nuit d'enculé.

    Il fait noir.

    Nuit.

    Dans la nuit, sexe nu.

    Croire.

    Il faut craindre les vainqueurs.

    Et la venue du jour.

    C'est une nuit à baiser avec les veuves.

    Désirer.

    Et rouler toutes la nuit sur la route.

    Une belle paire de chaussures.

    Une muse.

    Et le bruit de la machine à écrire.

    Graisse.

    Dans un bar à hôtesse, j'attends.

    Seul.

    Il fait nuit.

    Froide.

    Elle roule dans la couette.

    Il ignore son destin.

    Aux étoiles du matin, il lèvera son doigt.

    Majeur.

    Enculée de nuit.

    Conseillère de plans Q.

    La matrice fondatrice de cyber poésie.

    Imposture noctule.

    Toi la nuit je t'encule.

     


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